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vendangeurs et vendangeuses, de tonneliers, de porteurs de houx. L’Hiver, où chôme l’agriculture pendant le sommeil de la terre, ne montre que l’arche de Noé et la Noce villageoise[1]. — Le livret de la fête[2] témoigne d’un effort évident pour éviter les allusions politiques. Cependant, le Seigneur du Village, accomplit allègrement sa petite nuit du 4 août :


Je suis un restant de Baron
Du temps de Charlemagne,
Je conserve ce rejeton,
Buvant force Champagne :
Mes titres sont en parchemin,
Font grand bruit dans le monde,
Servant de peaux de tambourin,
Nous font danser la ronde.


A part celui-là, qui ne dut pas paraître bien subversif, les" couplets ne chantent que l’abondance des récoltes et la joie du vin. Un observateur genevois, François Vernes[3], nous a laissé de cette fête une description déclamatoire, mais assez vive[4]. Il en oppose la saine gaîté aux lamentables spectacles de la Révolution, en sorte que son âme en éprouve « une joie pure comme la source qui la produit. » Si son enthousiasme déborde en formules d’une sonorité de ferblanterie, du moins comprend-il le vrai sens de ce qu’il voit ; et il en donne une interprétation si simple et si juste, que dans la suite elle est venue d’elle-même à l’esprit de tous ceux qui ont essayé d’analyser leur impression du spectacle :

« Qu’on ne confonde point cette fête avec ces imitations théâtrales qui dans les grandes villes nous laissent froids et indifférens ; ici les acteurs sont les agriculteurs eux-mêmes ; les actions de grâces qu’ils rendent aux dieux des campagnes, leurs chants, leurs actes, les signes représentatifs de leurs travaux, de leurs jeux, les expressions naïves de leur félicité, rien n’est fardé, tout est réel, et le tableau de cette journée se compose de ceux de toute leur vie. »

  1. De Mellet, p. 15, publié d’après le Manual le tableau complet du cortège.
  2. Vevey, 1745.
  3. 1765-1839, fils du pasteur de Céligny connu par ses démêlés avec Rousseau ; auteur de nombreux ouvrages littéraires, mêlé activement à la politique genevoise pendant la Révolution.
  4. Le voyageur sentimental en France sous Robespierre, 2 vol. in-12, Genève, 1799 ; cité par Vernes-Prescott, p. 27-31.