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ce genre dans des momens aussi critiques[1]. » Ces braves gens sentent donc que leur parade est quelque chose de plus qu’un amusement privé : un épisode de la vie publique, qui ne peut avoir son vrai sens que s’il y a partout autour du bien-être et de la joie.


II

En 1791, le ton commence à changer : des infiltrations révolutionnaires de la France viennent appuyer les idées d’indépendance qui ont germé si lentement dans le pays de Vaud. Aussi, dès qu’il est question de célébrer la Parade, des inquiétudes se manifestent en haut lieu. Le Conseil de police est donc invité à réfléchir aux « inconvéniens que pourroit entraîner, cette année, la procession générale de l’Abbaye de l’Agriculture, dont la dépense n’est pas le seul qu’il seroit bon d’éviter, puisque la foule d’étrangers qu’elle attire en ville ne permet pas d’apporter un œil attentif sur tous, et pourroit aisément s’y glisser des gens suspects, qui chercheroient soit à occasionner du désordre, soit à en semer des germes[2]. »

Le Conseil de police ne demanderait qu’à se rallier à ce point de vue : composé d’hommes tranquilles qui tiennent par-dessus tout à la paix publique, il estime « que les circonstances délicates du temps exigent que les gens sages éloignent soigneusement tout ce qui tend à un grand rassemblement de gens en partie inconnus[3]. » Mais ces mêmes circonstances sont peu favorables aux avis des « gens sages, » qui vont être bientôt débordés : le Conseil de la Confrérie passe outre, et décide que la Parade aura lieu le 17 août[4]. Un Mémoire est adressé à Leurs Excellences, pour en obtenir l’autorisation : il rappelle que la 1 Parade devait avoir lieu en 1789 ; qu’elle a été remise deux ; années de suite en raison de la cherté du blé ; que, la présente année étant au contraire pleine de promesses, il n’y a aucun motif de la remettre davantage ; d’autant plus qu’elle n’a jamais donné lieu à aucun trouble, et que, le cas échéant, les trois ou quatre cents « frères, » qui sont « les plus fidèles su jets, du

  1. Manual, 18 mai 1790.
  2. Ibid.. 4 avril 1791.
  3. Ibid.
  4. Ibid., 1er mai.