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du maintien de Saint-Urbain que la Confrérie est plus ancienne que la Réforme, on en pourrait aussi bien déduire qu’elle ne fut fondée que plus tard, dans la période d’apaisement qui suivit la « conversion » du pays de Vaud. Pour la même raison, je ne tirerai non plus aucun argument de ce terme d’Abbaye, employé pour désigner la confrérie, qui s’est appliqué et s’applique encore à d’autres sociétés et à d’autres fêtes locales dans le canton de Vaud. Et je me contenterai de retenir, des deux documens les plus anciens que nous possédions sur la confrérie, qu’en 1644, elle fonctionnait régulièrement et passait pour exister dès longtemps. Quant à ses Parades, la première dont il soit fait mention dans les archives de la commune, serait celle du 28 juin 1651[1] : ce n’est donc qu’à partir de celle-là, bien qu’il y en ait eu d’antérieures, que ces Parades commencèrent à compter pour des incidens notables de la vie locale.

Si l’origine de la « louable » ou « vénérable » abbaye de l’Agriculture reste incertaine, son organisation et son but, au moment où le seigneur bailli de Vevey eut l’idée de s’en informer, étaient très simples et fort bien déterminés par l’usage. Ses adhérens, appelés frères, ou frères-moines, étaient dirigés pur un conseil de douze membres, par un conseil de police, et par un « Riere-conseil » chargé de surveiller la comptabilité. Leur président portait le titre de Révérendissime, ou de Sa Révérence Seigneur Abbé ; leur trésorier, celui de Connétable ; ils avaient encore un Héraut, qui fut aussi appelé Hoqueton, et toucha bientôt des appointemens réguliers et modestes. Les ressources étaient fournies par des cotisations, des dons et des amendes, celles-ci longtemps payables en nature, sous l’espèce d’un pot ou d’un demi-pot de vin. Ces amendes frappaient les vignerons négligens, auxquels même la Confrérie se substituait d’autorité, quand leurs vignes étaient par trop mal tenues. Elle s’y transportait alors au son du tambour, y plantait son drapeau, et séquestrait la récolte. Deux visites annuelles la renseignaient sur l’état du vignoble : la première au moment de la taille, pour s’assurer que cette opération avait été faite avec soin ; la seconde en juillet, à l’époque « où tous les gros ouvrages doivent être finis. » De toiles inspections n’étaient pas limitées aux vignes des confrères : le Conseil avait décidé de les étendre aux

  1. A. Cérésole, p. 54 et E. de Mellel, p. 9.