Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/594

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

courageuse qui soit venue de Lambeth, depuis deux cents ans, » disait-il, et, peu de jours après, il mourait, plus rassuré sur l’avenir de son Eglise[1]. Quant à l’évêque de Lincoln, tout en « maintenant l’opinion qu’un jugement en synode eût été plus en harmonie avec les précédens et plus satisfaisant pour l’Église en général, » il se déclarait « reconnaissant de pouvoir, en conscience, se soumettre au jugement de Sa Grâce et discontinuer les pratiques désapprouvées par elle[2]. » Chez les protestans passionnés, le dépit était grand ; on imprimait que « le Lincoln judgment était le coup le plus rude que l’Église d’Angleterre eût reçu depuis la glorieuse Réforme ; » on ajoutait : « Les dignitaires de l’Eglise ont été pesés dans la balance et trouvés de poids insuffisant ; dans la crise, ils ont déserté la vérité ; quand l’épreuve a été faite, il a été prouvé qu’ils étaient d’un métal impur. » Aussi exprimait-on l’espoir que la Church Association. appellerait, au Conseil privé, de « ce honteux jugement. »

C’est ce que firent en effet, sans retard, les poursuivans. L’émoi fut grand chez ceux qui s’étaient réjouis du jugement. N’était-il pas à craindre que, suivant la coutume des cours suprêmes, le Conseil privé ne se crût lié par sa jurisprudence antérieure ? Le dédain accoutumé des légistes pour la judicature ecclésiastique ne lui rendrait-il pas, dans le cas particulier, plus malaisé de se déjuger ? Mais, d’autre part, le soin avec lequel le jugement était motivé, les recherches historiques sur lesquelles il s’appuyait, ne permettaient pas de ne pas le prendre très au sérieux. Et surtout, pouvait-on ne pas avoir égard à l’état de l’opinion, à sa lassitude, à son besoin d’apaisement, au péril manifeste d’une persécution prolongée ? Les hommes politiques étaient maintenant bien convaincus que le Ritualisme était trop fort pour qu’on en pût avoir raison par des rigueurs judiciaires ; c’était entre autres le sentiment très net de lord Salisbury, alors premier ministre[3]. De l’effet produit par ces considérations de politique religieuse sur les légistes eux-mêmes, on trouve la trace dans le langage de l’un des plus distingués d’entre eux, lord Selborne, qui avait, en 1877, pris part à la condamnation du Rev. Ridsdale. Déjà, en 1880, il avait déclaré que, malgré ses préférences pour « l’uniformité liturgique » et le déplaisir

  1. Life and Letters of Dean Church, p. 349.
  2. History of the E. C. U., p. 335.
  3. Life of Tait, t. II, p. 448 à 450.