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La citation de l’évêque de Lincoln devant l’archevêque de Canterbury, soulevait une question préalable : l’archevêque avait-il pouvoir pour juger son suffragant ? Les précédens étaient rares et incertains. Si la juridiction du métropolitain se justifie avec un pape, chef suprême de l’épiscopat, et dont ce métropolitain est le délégué, on ne voit pas sur quel fondement l’établir dans une Eglise acéphale, comme l’Eglise anglicane. Ou bien alors il faut la faire découler de la suprématie royale, au risque de manifester davantage encore la dépendance de cette Eglise. C’est ce que Benson parut lui-même reconnaître, en demandant tout d’abord, le 26 juin 4888, que son pouvoir de juridiction fût reconnu par le Conseil privé. Celui-ci, saisi de la question, déclara, le 3 août suivant, l’existence de cette juridiction[1].

Ce premier point réglé, un autre se présentait : convenait-il que l’archevêque usât de son droit de veto, pour arrêter la poursuite ? Plusieurs High churchmen désiraient qu’il le fit, en se fondant sur l’indignité des accusateurs[2]. D’autres personnes le lui conseillaient, dans son intérêt, comme l’unique moyen de se soustraire à d’inextricables difficultés. En effet, s’il laissait le procès suivre son cours, ne serait-il pas, de l’avis général, acculé à un redoutable dilemme ? Ou bien il se conformerait aux décisions précédentes du Conseil privé et condamnerait son suffragant, et alors on pouvait craindre que les Ritualistes exaspérés ne provoquassent un déchirement dans l’Eglise ; ou bien il se prononcerait contre la jurisprudence du Conseil privé, et, dans ce cas, il ferait éclater, entre les deux hautes juridictions ecclésiastique et civile, un conflit qui risquait fort aussi d’amener la ruine de l’Établissement. L’impression de ce double péril était si vive que l’un des membres importans de la Chambre des lords, lord Carnarvon, chercha un moment, sans succès il est vrai, le moyen de faire intervenir le gouvernement et le Parlement pour arrêter d’autorité ce procès[3].

On eût donc compris que personnellement Benson fût tenté de se dérober. Après mûre réflexion et consultation avec ses amis, il jugea qu’il ne devait pas le faire. Son abstention eût laissé subsister l’état de désordre et de division dont souffrait l’Église. Il estima que c’était un devoir de sa charge de saisir cette

  1. Life of Benson, t. II, p. 326 à 328.
  2. History of the English Church Union, p. 312.
  3. Life of Benson, t. II, p. 344 à 346.