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bien rendu. M. Delcassé a fait au prince Radolin des avances formelles que le gouvernement impérial n’a pas accueillies : il est resté officiellement muet, comme s’il attendait autre chose encore, sans laisser deviner quoi ; situation qui, en se prolongeant, risque de devenir embarrassante pour tout le monde. Nous ne disconvenons pas qu’elle le soit pour nous. Quelques traits de cette situation sont très nets ; d’autres restent obscurs et tous les efforts que nous avons faits pour y appeler la lumière ont été à peu près vains. Plus nous recherchons les intentions réelles de l’Allemagne et plus il nous est difficile de nous en rendre compte avec cette évidence qui satisfait l’esprit. La presse germanique nous a dit que nous avions eu des torts de forme, des oublis fâcheux, des négligences qu’on a pu croire intentionnelles : en admettant que tout cela soit vrai, était-ce une raison suffisante pour que l’Allemagne abandonnât du jour au lendemain une politique qu’elle a suivie à notre égard pendant plus d’un quart de siècle ? Cette politique, nous l’avons rappelée et définie : elle a consisté essentiellement à nous encourager et presque à nous aider dans notre expansion coloniale, où l’Allemagne pouvait croire que nous trouverions des satisfactions propres à nous détourner des préoccupations purement européennes. Nous ne jugeons pas cette politique, nous l’exposons : il est incontestable qu’elle a produit quelques-unes des conséquences qu’on en attendait à Berlin. A-t-elle été subitement changée, et, dans ce cas, pourquoi l’a-t-on changée ?

Qu’elle l’ait été, soit par une brusque explosion de méchante humeur tenant à des causes provisoires, soit par suite d’un dessein préconçu, cela n’est pas contestable. Quoi qu’en ait dit depuis quelques jours la presse germanique, le Maroc n’a pas aux yeux de l’Allemagne un assez puissant intérêt pour expliquer et pour justifier l’attitude de son gouvernement. Au reste, ce que nous nous proposons d’y faire, bien loin de nuire au commerce allemand, ne peut que lui être favorable, et il faudrait plutôt nous en remercier que nous en faire un reproche. Il n’est pas douteux qu’autrefois, au temps que nous rappelions plus haut et qui est d’hier, l’Allemagne n’aurait pas eu la moindre velléité de nous contrarier dans notre entreprise marocaine : elle l’aurait vue, au contraire, avec la même sympathie qu’elle a vu nos entreprises tunisienne et indo-chinoise. L’exécution en étant plus difficile, elle aurait seulement pensé que nous y serions occupés plus longtemps, ce qui n’aurait pas été pour lui déplaire. Elle se serait bien gardée de nous en détourner. Il semble qu’au premier moment elle soit restée fidèle à ses anciens principes. Lorsque l’arrangement