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Il y avait donc, à ce moment, un conflit sur le droit de punir, non seulement entre des lois différentes, mais entre des principes opposés, les démocrates voulant le réserver tout entier au peuple, les autres, plus préoccupés des nécessités de salut public, admettant que, dans certaines circonstances, il pût être conféré au magistrat. C’est en réalité sur cette question que devait s’engager le débat du 5 novembre. Il semble qu’elle aurait dû faire le fond de tous les discours qui furent alors prononcés ; aussi notre surprise est-elle profonde de voir que nulle part, dans ce qui nous en reste, elle ne soit franchement traitée.

Elle aurait dû l’être surtout dans le discours de César. C’est lui qui représente la tradition démocratique. Elle est menacée : c’est son rôle de la défendre, et tout d’abord il semble le faire résolument. Il reproche à Silanus « de décerner un genre de peine nouveau, » et affirme que, puisqu’on ne peut trouver un châtiment qui réponde à la grandeur du crime, il faut s’en tenir à ceux qui sont autorisés par les lois. — Voilà la question bien posée. — Mais de quelles lois veut-il parler ? S’agit-il de l’antique provocatio, comme elle était aux premiers temps : de la république ? Demande-t-il qu’on réunisse le peuple au Forum pour juger les coupables ? Il sait bien que toutes ces formalités ne sont plus en usage. En réalité, toutes ces lois qu’on invoque, qu’on glorifie, n’ont plus de raison d’être, au moins sous leur forme ancienne, depuis qu’on a permis à l’inculpé de prévenir la sentence par un exil volontaire ; dès lors, c’est cette permission qui est devenue la loi. César le proclame à deux reprises. La conclusion naturelle de ce raisonnement est qu’il va demander que les accusés soient punis de l’exil. Mais quand il en vient à conclure, il s’aperçoit bien que l’exil n’est pas possible. Les renvoyer de Rome, c’est les envoyer à Catilina ; il les attend, il les désire ; ils iront grossir le nombre de ses soldats et augmenter les périls de la république. C’est une solution qu’on ne peut pas admettre. Il supprime donc l’exil, qui serait, selon lui, la seule peine légale, et le remplace par la prison perpétuelle, dont la constitution ne parle pas. Il décerne donc, lui aussi, « un genre de peine nouveau, » et fait justement ce qu’il blâme chez Silanus. Il me semble que, puisqu’il n’est pas resté lui-même dans la légalité, il n’avait pas le droit d’accuser les autres d’en être sortis.

Ceux qui répondent à César traitent encore moins que lui la