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à prendre l’avis des anciens préteurs, on vit bien que le désarroi s’était mis dans la majorité. Ce n’était plus cet accord des consulaires, qui avaient tous suivi fidèlement Silanus ; chacun allait de son côté. La confusion augmenta encore après que Tiberius Nero, l’aïeul de l’empereur Tibère, eut donné son opinion. Elle était à peu près la même que celle de César. Il voulait, comme lui, qu’on gardât les prévenus en prison ; seulement, il rendait la prison plus rigoureuse, et il renvoyait le jugement définitif après la défaite de Catilina. Cette modification, qui était au fond assez insignifiante, sembla mettre ; toutes les consciences à l’aise. Elle fut adoptée par Quintus Cicéron, et Silanus lui-même, demandant à expliquer son vote, déclara que, par ces mots « le dernier supplice, » il avait entendu la détention jusqu’à la mort. Dès lors il était certain que l’opinion de T. Nero allait l’emporter et que la plupart des sénateurs qui restaient voteraient comme lui, quand vint le tour de Caton, qui était tribun du peuple désigné.

Le discours véritable de Caton existait du temps de Plutarque, qui nous dit que, de tous ceux qu’il avait prononcés, on ne possédait que celui-là. Ce n’était pas lui qui l’avait conservé : il ne prenait pas la peine, comme la plupart de ses collègues, de les faire transcrire après qu’il avait parlé, de les corriger et de les donner au public. Ce sont évidemment les sténographes de Cicéron qui avaient recueilli celui-là, comme tout ce qui s’était dit dans ces séances mémorables. Salluste certainement n’a pas négligé de le lire, et il a dû en conserver quelque chose ; mais il ne s’est pas astreint à le reproduire fidèlement. Nous en sommes encore plus sûrs que pour celui de César, car nous n’y retrouvons pas tout ce que nous savons avoir existé dans l’original : rien de Silanus, auquel il reprochait sa palinodie ; rien de Cicéron, qu’il comblait déloges ; un mot à peine de César, qu’il traitait en ennemi public. Salluste a supprimé ces personnalités, il a gardé ce qui peignait l’homme, ce ton de moraliste grondeur, ces violences contre les défauts des gens de son temps, et il y a même peut-être ajouté pour que la figure ressortît davantage. Il en a fait l’antithèse vivante de César ; il a voulu qu’avant de lire le beau parallèle qu’il a composé de ces deux grands personnages, on trouvât dans leur parole les mêmes contrastes que dans leur portrait.

Il a bien eu raison de s’attacher à mettre avant tout en relief