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la manière dont les débats y étaient conduits. Quelques mots suffiront pour le rappeler. Seulement, il faut consentir d’abord à remonter un peu haut dans l’histoire. On ne se rend compte du caractère véritable des institutions romaines qu’en les prenant à leur origine ; elles en ont toujours gardé la marque malgré les modifications qu’elles ont reçues, et c’est ce qui nous frappe d’abord chez elles. Nous avons peine à nous figurer, nous qui avons tant de fois changé de régime en un siècle, que, pour le fond et l’essentiel, la constitution des Romains se soit conservée sans trop de dommage pendant six ou sept cents ans. Mais ce qui nous cause encore plus de surprise, c’est que dès cette époque lointaine d’où elle date, et que l’on appelle « le temps des Rois, » il y ait eu des sages, capables de faire des lois si durables, de résoudre des problèmes qui, chez nous, n’ont pas encore trouvé de solution, d’accorder des intérêts contraires, de concilier la souveraineté de l’Etat avec le respect des droits de l’individu, de maintenir l’autorité de la tradition sans rendre le progrès impossible. Ce n’étaient assurément pas des barbares, des gens nés du tronc d’un chêne, comme Virgile nous les représente, des bandits enfermés dans leur burg, et guettant du haut des murailles les passans pour les détrousser, comme les imagine Niebuhr. Où donc ont-ils pu prendre cette connaissance, ou, si l’on veut, cette divination des principes les plus délicats de la politique ? Puisque ce n’était pas dans les écoles ou dans les livres, il faut bien croire qu’ils la tenaient d’une longue expérience. Cette race sensée, sérieuse, opiniâtre, devait avoir derrière elle tout un passé de révolutions dont elle avait profité. Il ne faut donc pas croire que Rome ait commencé le jour où les Sabins du Quirinal et les Latins descendus du Palatin se rencontrèrent et s’unirent dans cette plaine marécageuse qui devint le Forum. Il a dû y avoir sur le même sol des villes antérieures dont la dernière a effacé le souvenir. Elles n’ont pas cependant tout à fait disparu, puisque, dans des fouilles récentes, M. Boni en a retrouvé quelques débris. Il n’en reste guère que des pierres noircies et quelques lettres qu’on a peine à déchiffrer ; et pourtant, ce sont des ruines respectables, car c’est là que la race romaine s’est lentement formée, c’est là qu’elle a dû faire l’apprentissage de l’art difficile d’accommoder ensemble l’ordre et la liberté.

L’institution du Sénat remonte à cette antiquité lointaine ; il avait été créé pour être le conseil du Roi. A Rome, il est de règle