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jours. De nombreux amendemens furent proposés, les uns pour atténuer la rigueur du bill, les autres pour l’aggraver. Les premiers, entre autres ceux qui étaient présentés par lord Selborne[1], furent rejetés. Les autres rencontrèrent un meilleur accueil, notamment un amendement de lord Shaftesbury, que l’un des principaux ministres soutenait sous main et auquel Tait dut se résigner par crainte de perdre les appuis dont il avait besoin. Cet amendement, expression d’une méfiance anticléricale, substituait aux cours diocésaines, jugeant sous la présidence et l’autorité de l’évêque, un juge laïque unique, pour toute l’Angleterre, désigné sans doute par les deux archevêques, mais en fait soustrait à toute influence ecclésiastique. C’était altérer gravement le projet primitif dont l’esprit était de faire des évêques les arbitres des procès, au moins en première instance. Dans le même ordre d’idées, lord Shaftesbury essaya en outre de faire supprimer le veto suspensif de l’évêque : sur ce point du moins, Tait put résister.

Si changé que fût son projet primitif, le primat ne s’en montra pas moins impatient de le faire aboutir. Sur ses instances, la Chambre des communes fut saisie, le 12 juillet, du projet voté par les lords. M. Gladstone, venu exprès de la campagne, prononça, contre le projet, un courageux et éloquent discours, où il rappela le « scandaleux » état du culte anglican, au commencement du siècle, et les « merveilleuses transformations » qu’y avait opérées le Mouvement contre lequel on voulait user de rigueurs contraires à l’esprit de l’Eglise d’Angleterre. Telle était l’excitation des préjugés protestans, que la plupart de ses amis politiques refusèrent de le suivre ; quelques-uns ne lui ménagèrent, dans le débat, ni les critiques, ni les sarcasmes. Quant à lord Shaftesbury, il déclarait gravement que Gladstone avait fait un discours tout à fait « ultramontain, romain et révolutionnaire[2]. » Disraeli, qui jusqu’alors ne s’était pas ouvertement compromis, et qui avait gardé, avec les autres membres du gouvernement, une attitude de spectateur, vit là l’occasion

  1. Roundell Palmer, devenu en 1872 lord Selborne, juriconsulte éminent, esprit élevé, était un High churchman convaincu, ami de Pusey et de Gladstone. Influencé par ses idées de légiste, il avait accepté le principe du bill, mais il eût voulu l’améliorer. (Memorial personal and political, vol. I, p. 336 à 350.)
  2. Ce fut peu après que ce même Gladstone entama une violente campagne contre le catholicisme, en publiant ses retentissantes brochures contre ce qu’il appelait le « Vaticanism. »