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prix. Ils se sont alors, disons-le à leur louange, senti comme une obligation morale de venir un aide aux ouvriers qu’ils frappaient autant et plus encore peut-être qu’eux-mêmes étaient frappés, et ils ont pris l’habitude de leur verser, pour les journées de chômage que leur imposait aux uns et aux autres cette espèce de fatalité économique, la moitié, et, dans certains établissemens, plus de la moitié de leur salaire quotidien[1].

A part les manœuvres et les ouvriers du battage et du cardage, tous les ouvriers de la filature travaillent aux pièces, ils sont payés à la production, c’est-à-dire au nombre de kilogrammes produits, d’après un tarif établi en raison de la marche de la machine et de la nature, indiquée par le numéro de la mèche ou du fil fabriqué. Dans les Vosges comme dans le Nord, quelques machines sont munies de compteurs mécaniques, mais trop peu, si c’est, ainsi que nous l’avons déjà dit, le meilleur moyen de prévenir et d’éviter les discussions ou les suspicions. Dans le tissage, les ouvriers sont également payés à la production, mais il y a pour eux divers poids et mesures : les bobineuses et les ourdisseuses ont leur salaire réglé au kilogramme, les tisserands à la longueur de la pièce produite, d’après un tarif établi en raison de la nature du tissu, et notamment, en raison du duitage, autrement dit du nombre de duites ou fils de trame par centimètre, qui est en effet le principal facteur de la production sur les métiers à tisser, du moins pour les tissus unis ou à armure peu compliquée.

La paye se fait, dans les filatures des Vosges, à la quinzaine, laquelle, quand elle est une quinzaine pleine, comporte douze jours de travail effectif, mais, quant aux nécessités de la vie, est toujours une quinzaine pleine : il faut bien vivre quinze jours, ne travaillât-on que douze, ou même moins de douze. Dans les tissages, les comptes sont plus longs et plus difficiles : aussi ne les fait-on généralement que tous les mois ou toutes les quatre semaines. Mais on sait bien que c’est plus que l’ouvrier, sans avances et sans crédit, ne peut attendre, et, vers le milieu du mois, on lui donne un acompte rapidement calculé sur le travail déjà fait.

Il en est des amendes et des retenues dans les Vosges comme dans le Nord. Leurs motifs sont les mêmes : malfaçons (on a

  1. Notes de M. Léon Gautier.