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amendement a été accepté par la commission qui l’a fait sien. On en aperçoit les conséquences.

Les règles d’organisation de chaque culte, et en particulier du culte catholique, car c’est de lui surtout qu’il s’agissait, sont parfaitement connues. Les expressions dont s’est servie la commission sont très générales, mais le sens n’en est pas moins très précis. Au surplus, il a été éclairé par la discussion, dont tout le poids a été soutenu par M. Ribot, par M. Briand et par M. Jaurès. M. Ribot, le véritable auteur de l’amendement du groupe progressiste, en a fort bien expliqué l’intention. Les règles d’organisation du culte catholique, a-t-il dit, sont que le simple prêtre, le curé, dépend de l’évêque, et que l’évêque dépend du pape. Veut-on savoir si un curé est orthodoxe ? Il y aurait quelque chose de ridicule à le demander à un tribunal qui n’a aucune qualité pour le dire, surtout dans le régime de la séparation : il faut donc le demander à l’évêque. C’est, si l’on veut, le système des signes extérieurs appliqué à l’orthodoxie. — Eh quoi ! demandait-on à M. Ribot, vous allez vous en remettre à la décision épiscopale quand il s’agit d’une question de propriété ? — Il s’agit de savoir, répondait-il, entre deux associations quelle est celle qui est vraiment catholique : auprès de qui puis-je m’en enquérir, sinon auprès de l’évêque ? — Et, en effet, toute autre procédure conduirait à l’absurde à travers des complications infinies. Mais l’opposition qui a été faite à l’amendement a montré le fond des cœurs, et on y a vu des choses curieuses. Il est bientôt devenu manifeste, devant leur déception et leur colère, que les radicaux jacobins avaient espéré l’émiettement des biens de l’Église entre une grande quantité de mains, et aussi que chaque dévolution nouvelle servirait de support et d’aliment à un schisme nouveau. Il semblait qu’on leur arrachât le pain de la bouche en décidant que ces biens seraient dévolus aux associations conformes aux règles générales du culte, et que l’évêque déciderait de cette conformité. C’était, pour eux, la fin de grandes espérances !

On ne saurait rendre trop de justice à l’élévation de pensée, à la présence d’esprit continuelle, à la vigueur de ton que M. Ribot a déployées pendant tout ce débat. Mais il faut être juste aussi pour les socialistes qui y ont pris une part si considérable. MM. Jaurès et Briand, partis d’un point de vue très différent et très éloigné de celui de M. Ribot, se sont rencontrés avec lui sur le terrain de la tolérance et de la liberté. M. Briand a déclaré très fermement que, si on avait compté sur lui pour tendre des pièges à l’Église et la faire tomber de