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serre-freins, dans les tunnels des chemins de fer, est donc une véritable asphyxie. L’oxyde de carbone en est l’agent. Il ne possède aucune malignité spéciale, aucune subtile toxicité. Il enlève simplement au sang la propriété de se combiner avec l’oxygène. A cet égard, on peut dire que c’est un poison négatif. Il agit sur le voyageur des tunnels comme la dépression barométrique sur l’ascensionniste et l’aéronaute. C’est avec un étonnement qui n’est pas médiocre qu’il nous faut constater que le mal des tunnels, qui frappe l’homme lorsqu’il chemine sous la montagne, est le même que le mal des ballons et le mal des montagnes qui l’atteint lorsqu’il en escalade les sommets ou qu’il plane trop haut au-dessus d’elle.


V

Et maintenant il faut nous demander si, de ces études, il ressort quelque remède au danger des tunnels. C’est là ce que l’on attend. C’est là ce qu’espérait le ministre des Travaux publics d’Italie, lorsque, au mois de mars 1899, il instituait la commission de physiologistes chargée d’étudier la respirabilité de l’air dans les galeries souterraines des principaux réseaux du royaume. Cette mission était motivée par l’urgence des mesures à prendre pour éviter la répétition des cas d’asphyxie trop souvent observés dans les tunnels dei Govi.

Les moyens de remédier à de tels accidens existent, en effet. Ils sont de deux ordres : d’ordre prophylactique et d’ordre curatif ; ils consistent à prévenir l’événement ou à en réparer les conséquences. — Le moyen curatif a été indiqué par M. A. Mosso. Il est très intéressant en lui-même, mais d’une application évidemment très restreinte. L’éminent physiologiste italien a constaté que l’oxygène comprimé corrigeait les effets nocifs de l’oxyde de carbone : le mélange est inoffensif. Il y a mieux. On peut, au moyen de l’oxygène comprimé empêcher la mort des animaux empoisonnés par l’oxyde de carbone. On les ressuscite en quelque sorte. M. A. Mosso a rappelé à la vie des animaux dont la respiration avait cessé et dont le cœur s’était arrêté depuis plusieurs minutes. Il faut pour cela les placer dans l’appareil à compression avec de l’air à huit atmosphères ou de l’oxygène à deux atmosphères. C’est le moyen d’introduire dans la partie liquide du sang et d’y dissoudre, à la faveur de la surpression, une plus grande quantité d’oxygène que celle qu’elle contient sous la pression barométrique normale. Cet excès d’oxygène dissous dans le plasma compense bien incomplètement celui que les globules