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plus formidable programme de constructions neuves pour une flotte de guerre que l’Angleterre eût jamais connu. À partir de ce moment, il n’y eut plus d’arrêt dans le mouvement d’expansion. Lorsque lord Spencer était entré en fonctions, le personnel de la marine anglaise, matelots, mousses et fusiliers marins, s’élevait à environ 72 000 hommes. Il le porta à 88 000. M. Goschen (vicomte Goschen depuis 1901) l’établit après lui à 118 000. Il s’est encore accru sous l’administration de lord Selborne jusqu’à 131 000. Cet énorme grossissement de l’effectif, — presque 100 pour 100, — était rendu naturellement nécessaire par l’augmentation parallèle du nombre des navires de guerre en service actif, et l’on peut juger en effet de l’impulsion donnée aux constructions neuves en considérant qu’à l’époque du Naval Defence Act, le total des crédits concernant ces constructions était de £ 2 300 000, que lord Spencer le porta à £ 4 771 000, M. Goschen à £ 7 millions, lord Selborne, dans le budget en cours d’exécution, à £ 11 millions. Quant au total du budget naval, il a doublé dans les quinze dernières années, comme l’effectif du personnel marin.

Quelle est la tâche que doit remplir la marine britannique ? Lord Spencer a rappelé les termes dans lesquels cette tâche se trouvait définie dans un passage du rapport de la Commission royale sur les stations de charbon, présidée par lord Carnarvon : « La marine, disait ce rapport, n’a pas pour objet d’assurer une protection locale directe à nos ports de mer. Elle a pour devoir de bloquer les ports de l’ennemi, de détruire son commerce, d’attaquer ses navires en haute mer, d’empêcher une entreprise en grande force contre un point déterminé des possessions de la couronne. » Lord Selborne a cru devoir compléter cette définition, qu’il trouvait insuffisante : « Le devoir de la marine n’est pas seulement de préserver de l’invasion toutes les parties de l’empire britannique et la métropole elle-même, et d’apparaître ainsi comme l’unique barrière entre la population mâle de l’Angleterre et la conscription. Elle a une autre tâche encore : si elle n’était pas aussi forte qu’elle est aujourd’hui, tout le système fiscal de l’Angleterre croulerait ; seule elle garantit le travail, les salaires, la nourriture quotidienne, l’apport constant du pain aux ouvriers, du coton aux filatures, du minerai aux forges. C’est l’énormité de la tâche que la marine a à remplir qu’il faut considérer lorsque s’agite la question des sommes qu’elle nous coûte. »