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à la bonne grâce avec laquelle il faisait à chacun les honneurs de sa chère abbaye, ce clergyman si contesté jouissait d’une universelle popularité mondaine, telle que n’en a connue aucun autre dignitaire de l’Église anglicane ; il était devenu, comme l’a dit Jowett, a delight of society, et Tait a écrit de lui : « Aucun ecclésiastique n’a exercé sur le grand public, particulièrement sur la partie lettrée et pensante de ce public, une influence aussi fascinante. »

Il en fut ainsi jusqu’à sa mort qui arriva en 1881. Et pourtant, vers la fin de sa vie, la pensée de cet homme, en apparence si heureux, semble se voiler d’une sorte de mélancolie découragée. Il s’aperçoit qu’il n’a plus l’oreille des générations nouvelles, que l’avenir, au moins le plus prochain, qu’il croyait acquis à ses idées de latitudinarisme compréhensif et tolérant, de sérénité dans l’indifférence dogmatique, lui échappe ; que le monde religieux redevient plus que jamais le champ de bataille où se heurtent les croyans et les non-croyans, les hommes d’affirmation nette et ceux de négation brutale. C’est ce qu’il donne à entendre quand, en 1877, dans une adresse à l’Université de S. Andrews, il déclare que « le jour présent appartient aux destructeurs, aux cyniques, aux hommes de parti. » En octobre 1880, au retour d’une visite à Oxford, il dit : « Cette visite m’a rempli de pensées tristes ; je sens combien complètement j’appartiens à une autre période d’existence. » Il ajoute plus tard : « Les gens ne se soucient d’aucune des choses que j’entreprends ou que je soutiens. » Ou encore : « Tout ce que je fais est sûr d’échouer ; le public a cessé de lire ou d’écouter ce dont je puis lui parler. » Enfin, peu avant sa mort : « Cette génération est perdue ; elle est plongée, soit dans le dogmatisme, soit dans l’agnosticisme[1]. » En effet Stanley, à la différence de ses adversaires du High Church, ne devait pas laisser derrière lui de descendance, d’école, de parti bien déterminé et ayant force de propagande. De la brillante figure du doyen de Westminster, il n’est resté qu’un souvenir charmant, mais stérile. Non certes que le doute et l’indifférence dogmatique, qui étaient la caractéristique de son état religieux, aient aujourd’hui disparu de l’Eglise anglicane. Mais ce qui tend à disparaître, à raison même de la façon plus sérieuse et plus profonde dont le Mouvement d’Oxford

  1. Life and letters of dean Stanley, t. II, p. 11, 463, 534, 550.