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Vers la même époque, Pusey écrivait à Mackonochie : « Il est très vrai que de moi-même je n’aurais pas suivi la ligne des Ritualistes ; mais il est complètement faux que je ne sympathise pas avec eux, de grand cœur, pour notre foi commune et pour leur œuvre[1]. » Un an plus tard, en 1867, dans une autre séance de l’E. C. U., il protestait contre la distinction que lord Shaftesbury avait prétendu établir entre les anciens Tractariens et les Ritualistes ; il affirmait qu’ils n’avaient été divisés que sur une question de conduite et de prudence. « En matière de foi, ajoutait-il, il n’y a pas eu la plus légère différence. La seule question pratique, entre nous et les Ritualistes, était que nous enseignions par l’oreille et qu’ils enseignaient aussi par les yeux… La persécution a eu pour effet de réunir ceux qui auparavant suivaient leur ligne séparée[2]. »

Est-ce à dire qu’une fusion complète se fût accomplie entre les anciens Tractariens et les jeunes Ritualistes ? Non : il y avait là des origines, des formations, des vues et, comme on dit aujourd’hui, des mentalités trop dissemblables. D’un côté, des hommes d’Université, théologiens et scholars, lettrés et savans, graves, mesurés, corrects, un peu solennels, de pensée et de foi profondes, préoccupés surtout de doctrines, s’adressant à une élite intellectuelle ; de l’autre, des hommes d’action, de culture moins affinée, d’allure plus démocratique, d’un tempérament de missionnaires, plus soucieux de pratique que de science, pieux, intrépides, ardens, même aventureux, pressés d’aller au peuple qu’ils veulent gagner à Dieu, et n’en redoutant pas le contact et les violences. De ce contraste résultait un certain manque de sympathie réciproque et un peu de gêne qui se manifestait jusque dans les rapprochemens. La chose fut visible en cette année 1866, à l’enterrement de Keble, où se rencontrèrent, dans un même pieux hommage, les représentans des deux écoles. L’un des Tractariens présens, Church, notait, dans une lettre écrite sur le moment, l’impression que lui avait causée « cet étrange assemblage » et « cette rencontre de deux courans, le vieux et le nouveau. » Il s’était rendu compte que les anciens amis de Keble faisaient, aux hommes plus jeunes qui s’étaient joints à eux en cette circonstance, aux Mackonochie, aux Lowder et à leurs compagnons, l’effet d’hommes d’un autre âge et d’une

  1. A. H. Mackonochie. A Memoir, p. 193-194.
  2. History of the English Church Union, p. 89-90.