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respect. Force était d’ailleurs de constater que ce zèle n’était pas sans efficacité. S’il n’opérait pas, dans ces quartiers, une transformation complète qu’un miracle seul eût pu obtenir, il parvenait, ce qui était déjà beaucoup, à y allumer, de place en place, une petite flamme de vie chrétienne. Clergymen et religieuses se faisaient aimer et considérer par ces misérables qui s’accoutumaient à les appeler father et sister. Et, fait remarquable, il apparaissait que les nouveautés rituelles contribuaient à ce succès, que ce qui avait prise sur le populaire londonien, ce n’était pas une religion amoindrie, terne, humanisée, naturalisée, mais au contraire la religion présentée dans la plénitude de son dogmatisme surnaturel et aussi dans la pompe de son symbolisme liturgique. Le culte attirait d’autant plus ces pauvres gens qu’il contrastait davantage, par sa beauté et sa poésie, avec la hideuse vulgarité de leur vie coutumière[1].

Du progrès du Ritualisme, du crédit plus grand qu’il avait fini par obtenir dans une partie du monde religieux, il n’est pas alors de signe plus caractéristique que l’adhésion publique et solennelle qui, en juin 1866, y est donnée par Pusey. J’ai dit comment, à l’origine, Pusey, ainsi que Newman, avait envisagé plutôt avec ennui et méfiance les innovations liturgiques. Le temps n’avait pas paru d’abord atténuer ce sentiment ; bien au contraire. Dans des lettres de 1849 et de 1851, Pusey se montrait disposé à croire que l’avantage de ces changemens ne valait pas. les difficultés qui en étaient la conséquence[2]. Il protestait quand on paraissait le confondre avec les Ritualistes. Ainsi avait-il fait, notamment, lorsqu’il avait vu les manifestans de S. Georges in the East, partir en guerre aux cris de : « A bas les Puseyistes ! » et il avait alors écrit à l’évêque de Londres :


Je suis dans cette étrange position que mon nom est appliqué en sobriquet à ce pour quoi je n’ai jamais eu de sympathie, à ce que les rédacteurs des Tracts, avec lesquels j’ai été autrefois associé, ont toujours blâmé, je veux dire toutes les innovations dans la façon de conduire le service, toutes

  1. Un écrivain qui vient de publier une enquête justement remarquée, sur l’état matériel et moral du peuple de Londres, a fait une constatation analogue. Il insiste sans doute sur l’indifférence religieuse qui domine dans ce peuple ; mais il reconnaît que ce sont les pasteurs High Churh, qui, avec les prêtres catholiques, ont le plus d’action sur lui, et que le cérémonial est pour quelque chose dans cette action. (Charles Booth, Life and Labour of the people in London, third series, Religious Influences, vol. VII, Summary.)
  2. Life of Pusey, t. III, t. 369 et 370, t. IV, p. 210 et 211.