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dans une église, du nouveau cérémonial, coïncidait presque toujours avec une intensité plus grande de vie religieuse. Ils remarquaient en outre que les promoteurs du Ritualisme, au lieu de rechercher les paroisses riches et mondaines, comme ils l’eussent fait s’ils n’avaient été que des dilettantes en quête de jouissances artistiques, leur préféraient ces quartiers du centre et de l’est de Londres dont la détresse morale et matérielle dépassait alors tout ce que nous connaissons aujourd’hui. Là, dans des ruelles sordides, dans une atmosphère de vice, de crime, de saleté et de maladie, grouillait une population misérable et sauvage avec laquelle les ministres anglicans de l’ancien type avaient été généralement trop gentlemen pour se commettre et qui, par suite, vivait en dehors de toute influence chrétienne. Les Ritualistes s’instituaient apôtres de cette population ; ils s’établissaient au cœur de leurs repaires, à S. Georges in the East, à S. Peter, London Docks, à S. Alban, Holborn, pauvres eux-mêmes parmi les pauvres, mortifiés parmi les souffrans, ne se laissant effrayer par aucune violence, dégoûter par aucune laideur, rebuter par aucun déboire, inlassablement charitables et dévoués : tels tes Lowder, les Chambers, les Mackonochie, les Stanton, et beaucoup d’autres. Ils appelaient, pour les aider, quelques-unes de ces communautés de religieuses, récemment fondées par leurs amis, qui s’installaient à côté d’eux dans ces quartiers, se vouaient au service des enfans, des pauvres et des malades, le plus souvent dénuées elles-mêmes de tout, se heurtant à mille obstacles du dedans ou du dehors, mais oubliant leurs épreuves dans l’enthousiasme de leur vie de bienfaisance, de prière et d’austérité[1]. L’épidémie de choléra qui ravagea, en 1866, les quartiers pauvres de Londres, leur fut une occasion de mettre en œuvre leur charité. Elles s’inquiétaient des misères spirituelles non moins que des matérielles ; la sœur, suivant l’expression de Pusey, était « le pionnier du prêtre, » lui préparant et lui ouvrant la voie. Tout cela, qui n’eût pas surpris en terre catholique, était chose nouvelle dans l’Anglicanisme ; ceux que leurs préjuges n’aveuglaient pas absolument, devaient reconnaître un idéal de vie apostolique supérieur à ce qu’ils étaient habitués à voir autour d’eux, et, quoi qu’ils pensassent de la doctrine et des procédés, ils ne pouvaient refuser à un tel zèle leur estime et leur

  1. Cf. Memories of a Sister of S. Saviour’s Priory.