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dans leur conduite, l’exemple de la prudence et de la réserve qu’ils conseillaient à leurs partisans. Si Newman avait cru pouvoir essayer, à l’écart et en quelque sorte loin des regards du public, quelques innovations dans sa chapelle de Littlemore, il avait à peu près gardé l’ancien cérémonial dans son église de Sainte-Marie, à Oxford ; il s’était borné à y rendre les services plus fréquens et à les réchauffer, en quelque sorte, de sa piété personnelle[1].

En dépit de l’exemple et des recommandations des leaders, quelques-uns de leurs adeptes cédaient au désir d’inaugurer, sur tel ou tel théâtre particulier, un cérémonial mieux en harmonie avec leurs doctrines. L’un des premiers disciples de Newman, Oakeley, appelé, en 1839, à desservir la petite chapelle d’Old Margaret Street, à Londres, vit là, comme il le disait, « l’occasion d’essayer, sur un terrain pratique, l’effet des principes tractariens[2]. » Malgré l’installation fort défectueuse de la chapelle, il trouva moyen de la transformer ; il dégagea l’autel, jusqu’alors masqué par la chaire, le suréleva, l’orna de cierges, de fleurs, et plaça au-dessus une croix. Les offices, rapprochés autant que possible de la liturgie romaine, furent une révélation pour beaucoup d’âmes qui n’avaient pas encore éprouvé ce que la piété pouvait trouver, dans les formes catholiques du culte, de secours et de consolation[3]. Ils attirèrent une assistance délite dont la ferveur surprenait et édifiait ceux qui entraient en passant dans la chapelle[4]. Gladstone y fréquentait et y rencontrait ses amis Hope Scott et Bellasis qui, comme plusieurs autres membres de cette congrégation, devaient se convertir au catholicisme. Ces nouveautés furent dénoncées comme entachées de romanisme ; l’autorité ecclésiastique, effarouchée, fit des réprimandes ; elle ne consentit à tolérer les cierges que s’ils n’étaient pas allumés, les fleurs qu’à la condition d’avoir un seul bouquet et de n’en pas faire varier la couleur suivant la nature des fêtes[5].

  1. Cette méfiance de Newman à l’égard d’un Ritualisme qu’il soupçonnait d’être un peu superficiel et frivole, devait persister dans les premières années après sa conversion. Dans ce roman de Loss and Gain où il dépeindra, en 1848, la Société d’Oxford à l’époque du Mouvement, il présentera, sous un jour peu flatteur, le type du ritualiste esthète.
  2. Oakeley, Historical notes of the tractarian movement, p. 61.
  3. Church, The Oxford movement, p. 371 et W. Ward, W. G. Ward and the Oxford movement. p. 200, 201.
  4. Vie de Lady Georgiana Fullerton, par Mme Craven, p. 202.
  5. Oakeley, loc. cit., p. 63 et sq. — Mémorials of Sergeant Bellasis, p. 41 et 42.