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clair que Paris va être inhabitable ; peut-être la mortalité s’y mettra à cause de tous ces cadavres.

Voici encore quelques petits faits sur l’Angleterre : à Londres, à Saint-James-Park, j’avais déjà trouvé sur un banc un petit papier imprimé, appelant les pécheurs au repentir. Hier, à huit heures et demie du soir, en rentrant, je trouve sur la place principale deux membres de l’Université en costume (des presbytériens) et un troisième apparemment de la middle class[1]en chapeau à larges bords, et qui prêchaient entourés d’une cinquantaine de personnes. — Il paraît que c’est ainsi tous les dimanches. Le plus jeune universitaire a commencé : « Jésus-Christ est venu pour nous pécheurs ; pensons à lui, misérables pécheurs, etc. » Beaucoup de gestes ; évidemment il faisait effort pour vaincre sa timidité ; il était très ému et a continué un quart d’heure. Ensuite est venu le tour de l’homme au chapeau noir. Il a ouvert sa Bible, et lu un passage des Rois, sur les habitans de Jérusalem affamés par le roi d’Assyrie ; celui-ci lève son camp ; deux lépreux s’y hasardent et le trouvent tout plein de provisions. C’est un type du chrétien qui n’a qu’à sortir du péché pour trouver auprès du Seigneur tout ce dont il a besoin. — Le Christ est notre Sauveur, notre sécurité. — Petite histoire d’un marin qui se mettait en mer, et qui répond à un gentleman : « Oui, mon père a été noyé, et aussi mon grand-père, et aussi son père. — Alors pourquoi allez-vous en mer ? — Monsieur, comment est mort votre père ? — Dans son lit. — Et votre grand-père ? — Dans son lit. — Et vos autres parens ? — Dans leurs lits. — Et pourtant vous n’avez pas peur de vous coucher dans votre lit, vous avez raison ; c’est qu’il n’y a qu’une assurance pour le chrétien en mer comme dans son lit, à savoir le Christ. » Ton naturel, on sourit à sa petite histoire. — Pour faire comprendre la misère des Juifs assiégés, il fait allusion au siège de Paris affamé. Le second membre de l’Université (trente-cinq ans) a parlé le dernier. Grands gestes, robe secouée, maigre, les joues creuses, la voix rauque et violente, il semblait agité par l’Esprit. Mais comme son thème était le même, et qu’il parlait toujours du Christ et du péché, je suis parti. — Tous les assistans étaient des gens bien vêtus, hommes et femmes, la plupart arrivés par hasard ; quelques hommes murmuraient parfois et riaient ironi-

  1. Classe moyenne.