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croissance, la somme des synthèses l’emporte sur celle des destructions, il ne s’ensuit point que celles-ci n’existent point ou qu’elles sont négligeables. Pas davantage, il ne faut considérer comme négligeable la puissance synthétique de la cellule animale. Ce serait là une interprétation erronée, une déformation des faits contre laquelle les physiologistes n’ont pas cessé de protester. Claude Bernard, en particulier, à fréquemment combattu cette doctrine dans tout le cours de sa carrière scientifique. Il opposait à la prétendue dualité vitale, la doctrine de l’unité vitale, d’après laquelle chaque être vivant, animal ou végétal, opère nécessairement des analyses et des synthèses, édifie des principes immédiats et les détruit. Les physiologistes reprochèrent aux chimistes, par cette distribution arbitraire des rôles synthétique et destructeur entre les animaux et les plantes, de dissimuler la véritable et profonde analogie de la vie dans les deux règnes. Il n’est pas douteux, et la démonstration en a été fournie d’une manière éclatante, qu’il se fait des synthèses chez les animaux comme chez les plantes ; en cela, Claude Bernard avait raison. L’organisme animal a d’autre peine que de mettre en place les matières sucrées, amylacées, grasses ou azotées, empruntées aux plantes. Avec les matières grasses, dont on connaît, depuis les recherches de Payen en 1843, l’existence dans le foin et les herbages, l’herbivore fait d’autres graisses que celles qu’il reçoit : avec les graisses de sa ration le Carnivore lui aussi en constitue de différentes. Il peut même en former aux dépens du sucre. De même, il peut, à la rigueur, faire des matières sucrées avec les matières protéiques. Les matériaux que l’animal reçoit, il commence par les décomposer plus ou moins profondément par la [digestion, puis il les reconstitue par synthèse.

Il est pourtant essentiel de remarquer que ces synthèses de graisses, d’amylacés et de substances protéiques, et la plus compliquée de toutes, celle du protoplasma, l’animal ne les réalise pas à partir des élémens minéraux. Il n’opère pas sur des matériaux placés aussi loin du terme à atteindre[1]. Il se distingue par là du végétal. Il est donc sensiblement vrai de dire que ce sont les plantes seules et, pour préciser, les parties vertes des

  1. On discute actuellement, entre physiologistes, la question de savoir si l’organisme peut seulement reconstituer l’albumine au moyen des élémens dans lesquels la digestion pancréatique résout cette substance.