Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/595

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

courant, sir Robert Hart, qui dirige depuis trente ans le service des douanes étrangères, à 88 millions de taëls seulement, chiffre porté à 417 millions ou 400 millions de francs depuis 1902, par les nouvelles taxes établies en vue de payer l’indemnité des Boxeurs. Or, les chemins de fer peuvent procurer au Trésor d’importans revenus ; les concessions de mines aussi peuvent donner lieu à des perceptions fructueuses, en même temps que l’accroissement du mouvement commercial qui s’ensuivra augmentera les recettes des douanes, de ces douanes maritimes perçues par des étrangers, qui forment l’un des services les plus merveilleusement organisés qui soient et constituent le plus sûr et l’un des plus abondans revenus. La Cour de Pékin elle-même comprend tout cela ; aussi, tout en rechignant, entr’ouvre-t-elle les portes aux innovations.

Tout donne ainsi lieu de penser qu’au pis-aller, le progrès continuera de pénétrer peu à peu, comme il l’a fait depuis dix ans. Or, si le développement des échanges était proportionnel à ce qu’il fut de 1895 à 1903, le commerce de la Chine, qui est de 1 800 millions de francs, serait de 9 milliards, c’est-à-dire très supérieur au commerce actuel de la France, avant 1930. Pour que le mouvement s’accélérât davantage, il faudrait que la guerre actuelle déterminât en Chine, sinon une transformation complète, du moins des réformes plus sérieuses que n’en ont pu amener les événemens antérieurs. Il est certain que les succès du Japon produisent dans toute l’Asie la commotion la plus profonde. Au moment où les Européens allaient avoir soumis le monde entier, où ils traitaient déjà la Chine elle-même en vassale, le dernier peuple « de couleur » demeuré indépendant parvient à leur résister, jusqu’ici même à les vaincre, en leur prenant leurs propres armes. La leçon est d’une telle éloquence. qu’elle ne peut manquer de frapper même les plus obstinés des conservateurs chinois ; il semble bien qu’ils soient aujourd’hui, comme tous les Asiatiques, en admiration devant le Japon, prêts à suivre ses conseils et à écouter ses enseignemens. Ouvertement ou secrètement, les Japonais sont déjà partout en Chine. Il est parfaitement possible que les Chinois acceptent d’eux ce qu’ils n’acceptaient pas de nous.

Si vraiment, sous l’impulsion du Japon, la Chine se décidait à faire tomber les barrières qui s’opposent à l’introduction du progrès occidental, ce serait à un bien autre spectacle qu’à un