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parlée courante et même quelques caractères écrits. On voudrait aussi voir beaucoup d’entre eux travailler davantage, passer moins de temps au club et aux sports et plus à leurs bureaux, faire de moins longs séjours de vacances au Japon et de plus longues tournées d’affaires en Chine. Leur activité et leur zèle ne sont pas étrangers aux succès que remportent, aux dépens des Anglais, les Allemands, les Japonais et les Chinois eux-mêmes. Ceux-ci se mettent de plus en plus à réduire le nombre des intermédiaires dans leurs affaires avec le dehors ; on observe qu’il s’établit peu d’Européens dans les nouveaux ports ouverts depuis le traité de Shimonosaki, mais qu’il y vient nombre de marchands chinois, qui profitent de l’installation sur ces places du service des douanes étrangères pour y faire arriver les marchandises du dehors à meilleur compte qu’en passant, comme ils étaient obligés de le faire auparavant, sous les fourches caudines des agens des likins et des douanes indigènes.

Le fait que le commerce extérieur de la Chine laisse moins de bénéfices aux intermédiaires européens n’empêche pas qu’il ne se soit énormément développé. Très remarquable aussi a été le progrès industriel dans les ports ouverts, dès que le traité de Shimonosaki eut permis d’y élever des usines. Mais, si les faubourgs de Shanghaï se sont transformés en une sorte de petit Manchester, où les filatures de coton ont surgi du sol comme par enchantement, il faut reconnaître qu’elles n’ont pas donné à leurs fondateurs les bénéfices qu’ils en attendaient et que les maisons européennes qui espéraient trouver dans l’industrie une compensation aux déboires du simple négoce ont été déçues. Les actions des filatures de coton de Shanghaï sont, en moyenne, à 60 pour 100 au-dessous du pair. Elles soutiennent difficilement la concurrence des importations de l’Inde et surtout du Japon ; ces deux pays sont pourtant au régime de l’étalon monétaire d’or ; l’argent ayant baissé, le prix de vente en argent des articles indiens et japonais a dû par conséquent monter à prix de revient égal, puisque ce prix de revient est exprimé en or, et il semble que cela eût dû favoriser les manufactures établies en Chiné dont les prix de revient sont établis en argent. Il n’en a rien été, et il est surprenant que les Japonais puissent acheter du coton à Shanghaï, le transporter chez eux, le filer, renvoyer les filés audit port de Shanghaï, les vendre au même prix que les fabricans européens établis sur place, et réaliser des bénéfices