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les moyens qu’ils employèrent pour réussir ; c’était celui dont on usait le plus à ce moment. Par malheur, ils étaient ruinés tous les deux, mais on vint à leur aide. Cicéron en accuse un personnage qu’il désigne, sans le nommer, en disant qu’il était de bonne naissance et pratiquait volontiers ces sortes de trafic. C’est probablement de César ou de Crassus qu’il veut parler ; Crassus surtout était connu pour venir en aide aux candidats embarrassés, quand il y pouvait trouver son compte. On nous dit que c’est dans la maison de ce personnage obligeant que l’élection se préparait. Les Romains, qui mettaient de l’ordre partout, même dans ce qui semble n’en pas comporter, avaient fait de la corruption électorale une véritable science, qui avait ses procédés et ses règles dont on ne s’écartait pas. Par exemple, on se gardait bien de compter d’avance l’argent aux électeurs qu’on avait achetés ; on n’avait pas en eux assez de confiance. Il était déposé chez des gens qu’on appelait séquestres, et qui le distribuaient après que les candidats avaient été nommés. Toutes ces choses se faisaient au grand jour et sans aucun souci des lois qui le défendaient. Cicéron annonce que, dans la maison de ce riche personnage, dont il ne veut pas dire le nom, mais que tout le monde connaît, les séquestres se sont rassemblés avec Catilina et Antoine ; et, pour qu’on n’en doute, pas, il indique le jour et l’heure de la réunion. Ces manœuvres devinrent si scandaleuses que le Sénat finit par s’en inquiéter et qu’on proposa d’ajouter quelques clauses plus sévères à la loi électorale. C’est à cette occasion que Cicéron prononça le discours qu’on appelle In toga candida, à cause de la robe blanche qu’il portait quand il l’a tenu. Nous n’en avons plus que quelques fragmens qui sont d’une extrême violence. Quoiqu’on ne se pique guère aujourd’hui de modération et d’urbanité dans les luttes politiques, je doute que personne osât aller aussi loin. Il n’y avait pas alors de journaux pour recevoir et propager les injures que les candidats se disent ; les discours en tenaient lieu. Il est donc très probable que celui de Cicéron fut copié et répandu ; il est sûr que, s’il a été mis dans les mains du public, on a dû beaucoup le lire. Vers le même temps, c’est-à-dire quand on approchait de l’élection, a dû paraître la lettre de Quintus à son frère qui maltraite aussi cruellement Catilina et Antoine que le discours de Cicéron, et quelquefois dans les mêmes termes[1]. Personne ne

  1. Bücheler pense que le Commentariolum petitionis de Quintus a précédé le discours de son frère. Ils sont certainement l’un et l’autre des premiers mois de l’année 690.