Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/488

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

augmentait sans cesse, en sorte que la plupart de ces jeunes gens, qui étaient partis avec tant d’ardeur et d’espérance pour la conquête de la dignité suprême, étaient condamnés d’avance à ne jamais l’atteindre.

Cicéron n’était pas de ceux que semblait menacer cette disgrâce. Depuis sa première candidature, les électeurs lui étaient restés obstinément fidèles. Il avait obtenu du premier coup toutes les fonctions qu’il avait demandées et s’en était acquitté avec honneur. Il était préteur l’année même où Catilina forma sa première conjuration, et il avait trouvé le moyen de ne pas s’y compromettre. Cependant, quoiqu’il semblât avoir toutes les chances pour lui, il n’était pas tout à fait rassuré, car il connaissait bien les inconstances du suffrage populaire : il a plusieurs fois comparé les flots des comices, comme il les appelle, à ceux d’une mer agitée et capricieuse, où le reflux emporte ce que le flux avait apporté ; mais son anxiété devenait plus vive, on le comprend, à mesure que la dernière lutte approchait. Il était naturel qu’elle fût partagée par les siens ; on n’ignorait pas que l’honneur qu’il ambitionnait illustrait toute une famille. Son frère, Quintus Cicéron, qui lui était tendrement attaché, et qui d’ailleurs comptait bien profiter de la gloire de son aîné pour sa propre carrière politique, nous avoue qu’il ne cessait de songer jour et nuit à cette redoutable échéance. Il venait lui-même d’être édile et avait pratiqué avec adresse le suffrage universel. Il eut donc l’idée de mettre son expérience au service de son frère, et lui écrivit une lettre dans laquelle il lui énumérait tout ce que doit faire un candidat qui veut réussir. Ce n’était pas, disait-il, qu’il eût la prétention de lui rien apprendre qu’il ignorât ; mais la matière est si compliquée, les obligations si nombreuses, qu’on risque toujours d’oublier quelque chose. Quintus, qu’on aurait pu appeler, comme C. Cotta, un artiste en élection, et qui tenait à mériter ce titre, se piqua au jeu en écrivant, si bien que sa lettre finit par prendre les proportions d’un de ces petits traités sous forme épistolaire (epistolicæ quæstiones) qui étaient à la mode en ce temps-là. Il lui parut, quand elle fut achevée, que, quoique écrite spécialement pour son frère, elle pouvait être utile à d’autres. Il songeait donc à la publier, puisqu’il demandait à Cicéron de la revoir, et il est probable qu’il la fit paraître sous le titre de Commentariolum petitionis, ou de De petitione consulatus, qu’elle porte sur les