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s’était donné pour mission de soulever l’énorme masse paysanne. L’état-major terroriste se recrute en grande partie parmi la noblesse : ses propagandistes se rencontrent parmi les médecins de village, les statisticiens des zemstvos (conseils généraux), les instituteurs, voire les propriétaires terriens. Ses comités exécutifs procèdent par attentats, par exécutions, destinés à terroriser le pouvoir et à frapper, à enflammer les imaginations populaires.

Tout autre est la méthode des social-démocrates, dressés à l’école des théories marxistes et de la tactique allemande. Ils rejettent le blanquisme, les conspirations, les coups de main, par lesquels une minorité audacieuse cherche à renverser l’ordre établi et à s’emparer du pouvoir, et ils organisent l’action des masses ouvrières déjà façonnées à la discipline, et préparées à une commune entente par la vie de fabrique : il ne s’agit plus que de leur donner « la conscience de classe, » afin de les engager dans la lutte de classe.

Les social-démocrates, au début, étaient réduits à une propagande d’homme à homme ; puis ils formèrent de petits cercles d’études. Plus les fabriques s’étendaient, plus ils gagnaient du terrain. Privés de journaux, du droit de réunion, ils agissaient par les grèves. Ils dirigèrent la grève énorme des textiles de 1896 à 1897, à Pétersbourg, grève qui fut réprimée avec une rigueur parfois sanglante. Dans les revendications des ouvriers, ils mirent au premier plan les exigences politiques, condition essentielle de l’émancipation économique. En 1901, aidés par la jeunesse universitaire, ils suscitèrent, à l’occasion du 1er mai, des démonstrations en masse, qui se propagèrent jusqu’à Tomsk et à Tobolsk en Sibérie. En 1903, ils réussirent à mettre en branle une gigantesque mobilisation ouvrière, par corps d’armée de centaines de mille hommes, qui rappelle le mouvement chartiste. Commencée à Rostow sur le Don, l’épidémie de grèves gagna la Russie méridionale, jusqu’au Caucase. Ces soulèvemens prolétariens n’aboutissaient cependant à aucun résultat visible, lorsque éclata la guerre russo-japonaise. Les premières défaites, les déceptions, les désillusions, le mécontentement qui suivirent offraient une occasion unique de reprendre cette campagne, avec des chances de succès inespérées.

La grève générale qui éclatait à Pétersbourg dans la troisième semaine de janvier, eut une origine d’apparence insigni-