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II


Ce n’est pas seulement une grève générale, c’est l’image d’une grève internationale, d’une grève mondiale que l’état-major des socialistes de tous les pays, réuni au Congrès de Paris en 1889, a voulu évoquer devant la bourgeoisie, en décrétant, pour chaque année, le chômage du 1er mai, afin de revendiquer la journée de huit heures, et de formuler les cahiers du quatrième État. L’exemple était venu des États-Unis, où les ouvriers avaient eu l’idée d’organiser, en mai 1886, un mouvement d’ensemble, et se flattaient d’imposer les huit heures aux chefs d’industrie. Les Chevaliers du Travail ne prirent part qu’à contre-cœur à cette agitation qui eut à Chicago, foyer du jeune parti anarchiste, un dénoûment sanguinaire. Généralisée en Europe, la démonstration du 1er mai effraya tout d’abord, puis devint bientôt insignifiante, sauf en Russie, durant ces dernières années. Las de perdre une journée de salaires, les travailleurs des usines qui la célébraient, choisirent de préférence le premier dimanche de mai ; et « de protestation contre les exploiteurs, cela devint un jour de fête, octroyé par les exploiteurs eux-mêmes, se passant en déclamations et en pèlerinage vers les pouvoirs publics[1]. » Le récent congrès d’Amsterdam a cru devoir rappeler les socialistes à une plus stricte observance.

L’année suivante (1890), commençait en Belgique l’agitation pour le suffrage universel. Quoique très actif, le parti socialiste belge était sans argent, presque sans journaux, sans influence électorale, par suite du système censitaire, sans représentans dans les corps élus. Selon la méthode allemande, il exerçait surtout sa propagande parmi les ouvriers enrégimentés de la grande industrie : on résolut de les mobiliser. Le 10 mai 1891, cent mille ouvriers désertaient les mines du Borinage. Puis ce furent, les années suivantes, de nouvelles grèves politiques, et, à Bruxelles, des processions gigantesques. Enfin un projet de modification de la Constitution fut soumis à la Chambre ; mais les projets sur le mode de votation étaient rejetés les uns après les autres. Le comité socialiste mit un terme aux indécisions de la majorité de la Constituante en décrétant, le 2 avril 1893, la

  1. Jean Grave, l’Aurore du 24 octobre 1894.