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légitime. » L’Église, qui ne redoutait pas de se présenter aux princes comme la bénéficiaire de l’année 1848, se tournait, tout de suite, vers le peuple et lui disait, sous réserve du respect dû à la loi : « Nous ne méconnaissons pas les grandes et nobles choses qui sont l’enjeu des luttes de l’heure actuelle, nous ne méconnaissons pas l’aspiration vers un état de liberté civique et nationale, qui doit être plus vrai et plus équitable que dans le passé récent. »

Un juriste de talent, Maurice Lieber, avait aidé l’assemblée dans la rédaction du manifeste aux fidèles. C’était un signe des temps, que cette collaboration naissante entre la hiérarchie et les laïques. Lieber, l’année suivante, devait présider la seconde assemblée générale des catholiques, et défendre contre les susceptibilités du canoniste Hirscher et du publiciste Jarcke l’action nouvelle des Vereine : il semblait qu’en l’appelant à Wurz-bourg, moitié comme conseil juridique, moitié comme rédacteur, les évêques l’eussent à l’avance désigné pour définir et pour réclamer le rôle de l’élément laïque dans la renaissance catholique de l’Allemagne[1]. La confiance de l’Eglise envers le peuple répondait à la confiance du peuple envers l’Église.


VII

Novembre et décembre, scellant entre ces deux forces une sorte d’entente, furent bons pour l’Église d’Allemagne. Le christianisme social, dépassant l’enceinte des meetings, monta dans la chaire chrétienne : Guillaume-Emmanuel de Ketteler, curé rural dans la Westphalie, en fut l’interprète.


En Ketteler, l’homme était aristocrate, le prêtre, démocrate. Il était issu d’une famille noble de Westphalie, terre hautaine et fidèle, où les souches féodales sont robustes comme les chênes ; il avait, étudiant, montré sa valeur dans un duel ; l’échelle des grades militaires, puis l’échelle des fonctions civiles, dans ce royaume de Prusse où l’État, aujourd’hui encore, aime à se faire servir par les aristocrates, avaient tour à tour séduit

  1. Dans son importante Histoire du concile du Vatican, M. Friedrich, le théologien « vieux catholique, » développe cette thèse, que l’année 1848 marqua le début d’une alliance directe entre les laïques « ultrainontains » et le Saint-Siège, alliance fondée sur un mépris implicite des droits de lepiscopat allemand : nous retrouverons plus tard cette thèse dont il croit surtout voir la preuve dans l’attitude des catholiques laïques en 1849 et 1850, et nous la discuterons en son lieu.