Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/366

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

repousser énergiquement toute déclaration d’indépendance de l’Eglise. La discussion se déroulait à travers des détours inattendus : la crainte inspirée par l’ultramontanisme coalisait en d’imprévus applaudissemens certaines mains qui n’avaient pas coutume de se serrer entre elles. Finalement Foerster, le futur prince évêque de Breslau, dut faire un long discours pour montrer que le péril ultramontain n’existait pas.

Les multiples orateurs, sur quelques bancs qu’ils siégeassent, ne s’occupaient à peu près que du catholicisme ; on parlait fort peu des confessions évangéliques. Quelques-uns se rendaient compte qu’une fois détachées de l’Etat, ces confessions manqueraient de cadre, et peut-être péricliteraient ; d’autres répondaient que ce serait tant pis pour elles, si elles ne trouvaient pas en elles-mêmes les élémens nécessaires de vie. Un pasteur protestant de la Bavière, Bauer, fut seul, dans cette lutte, à plaider expressément les intérêts du protestantisme, et à répudier au nom de son Eglise cette autonomie dont les catholiques lui proposaient le cadeau. Le débat, en fait, était non pas entre le catholicisme et la Réforme, mais entre l’idée d’Eglise, telle que seul le catholicisme l’incarnait, et la conception de l’hégémonie de l’Etat sur les consciences.

Phillips, Müller, Radowitz, Doellinger, affectaient de parler en patriotes plutôt qu’en catholiques, en expliquant que ce n’était pas la coexistence des communions chrétiennes qui avait divisé l’Allemagne, mais bien l’immixtion des souverainetés laïques dans la vie de ces communions. Ainsi les revendications catholiques invoquaient en leur faveur la sollicitude de toutes les âmes allemandes pour l’unité germanique. On était au lendemain du jour où, sur une invitation de l’archevêque Geissel, une députation du parlement avait pris la route de Cologne pour s’associer, dans la cathédrale, au sixième centenaire de la pose de la première pierre ; et le président Gagern, rendant compte de cette fête catholique, l’avait qualifiée de « fête symbolique, qui signifiait l’union politique de l’Allemagne. » Sous l’impression de ces augustes pronostics, les membres catholiques de l’assemblée de Francfort se complaisaient à chercher la cause de ces divisions allemandes qui, sous les voûtes de Cologne, paraissaient s’aplanir et toucher à leur terme ; cette cause, c’était la paix de Westphalie, blâmée jadis par le Saint-Siège, parce qu’elle avait scellé une sorte d’esclavage régional des âmes.