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s’effrayèrent du caractère vague de ce mot « loi. » Des législations d’exception, spécialement dirigées contre une confession religieuse, ne pourraient-elles pas surgir à l’abri de ce paragraphe ! Ils préféraient que l’article mentionnât formellement la « législation générale » ou le « code pénal général » et marquât ainsi, d’une façon plus expresse, que les délits visés rentraient dans le droit commun.


De nouvelles sociétés religieuses peuvent se fonder, continuait la Commission ; une reconnaissance de leur confession par l’État n’est pas nécessaire.


Les catholiques, aux lieu et place de cet article, proposaient la rédaction suivante :


Les sociétés religieuses existantes et celles qui se forment sont, comme telles, indépendantes de la puissance de l’État ; elles règlent et administrent leurs affaires en toute indépendance. L’installation des autorités d’Église n’est soumise à aucune collaboration de la part du pouvoir civil, pas même en vertu d’un droit de patronat. La publicité des actes ecclésiastiques n’est soumise qu’à ces restrictions auxquelles sont soumises toutes les autres publications. A chaque société religieuse sont garantis la possession et le libre emploi de leurs biens, et des institutions qu’elles possèdent pour le culte, l’enseignement et la bienfaisance.


Au bas de ce texte figuraient quarante-six signatures, dont quelques-unes étaient protestantes.

Devant le parlement, la discussion remplit huit séances ; soixante-cinq orateurs y prirent part. L’assemblée, durant cette période, eut l’aspect d’un concile, dans lequel, à côté de la foi, l’incroyance avait une voix. Lasaulx, le philologue de l’université de Munich, fit, tout laïque qu’il fût, un véritable sermon : dans un élan qui surprit, il se complut à rapprocher les épisodes de l’histoire de l’Église et les faits de la vie du Christ : au massacre des Innocens correspondaient, dans sa pensée, les premières exécutions de martyrs ; à la tentation du Christ dans le désert, les tentations des anachorètes d’Egypte ; la lutte des deux confessions chrétiennes rappelait ces débats qui s’élevèrent entre les disciples au sujet du miracle eucharistique ; la crise du XIXe siècle répétait les jours du Calvaire, et la résurrection suivrait… La tribune, à d’autres heures, faisait entendre de tout autres échos ; des radicaux s’y précipitaient, Vogt, Jordan. « Je suis pour la séparation de l’Église et de l’Etat,