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gination d’Alexandre Dumas. Alors elle devient, dans ses transes, Marie-Antoinette. On voit le rôle que joue la suggestion dans le développement de cette transformation, en apparence spontanée, de la personnalité du médium.

Hélène compose alors admirablement son rôle de reine, avec grâce, élégance, majesté parfois, fait des révérences, joue avec son mouchoir réel et ses accessoires fictifs : l’éventail, le binocle à long manche, le flacon de senteur fermé à vis, à chaque contour n’oublie jamais de rejeter en arrière la traîne imaginaire de sa robe (elle s’y embrouille moins que Mme Sans-Gêne)… Elle écrit comme au XVIIIe siècle : instans, enfans, étois, prend un accent étranger, plutôt anglais (comme au théâtre) qu’autrichien, reste interdite quand on lui parle de téléphone, de bicyclette ou de locomotive. Les scènes se passent en général au Petit-Trianon et les mobiliers décrits sont toujours du pur Louis XVI…

On voit que l’objectivation est complète. La personnalité semble avoir entièrement disparu et être remplacée par celle de Marie-Antoinette. En réalité, la personnalité vraie d’Hélène reste étrangère à ces scènes ; c’est le polygone désagrégé qui prend cette personnalité nouvelle. Et ceci éclaire bien ce que l’on appelle en général : transformation de la personnalité.

Tout individu n’a qu’une personnalité physiologique vraie et normale, formée de l’ensemble et de la synergie de tous ses centres nerveux, jusques et y compris ses centres polygonaux et son centre O. Quand, dans des circonstances ou pour des causes diverses on voit (comme chez la célèbre malade d’Azam, Félida) surgir chez un sujet, pour un temps plus ou moins long, une ou plusieurs personnalités nouvelles, ce sont des personnalités fausses, incomplètes, apparentes. Si le sujet n’est pas aliéné, ce sont des personnalités polygonales.

Le centre O de Mme Hugo d’Alesi, qui est un grand médium, reste toujours lui-même, ce qu’il était avant la transe, et se retrouve au réveil sans changement, mais, pendant la transe, son polygone s’adapte successivement à diverses hypothèses ; il vit et réalise dans ses actes automatiques ces diverses hypothèses et parle successivement comme une petite fille, un rapin ou un poète.

Dans le même groupe rentrent les hallucinations spéculaires de certains sujets : c’est l’objectivation de son semblable