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flambeau qu’elle tient et voit les portes qu’elle ouvre et ferme, les vêtemens qu’elle a mis, son lit qu’elle a quitté et qu’elle regagne ensuite. Mais elle ne voit pas, avec ses yeux ouverts, le médecin et la dame suivante. Elle ne les entend pas échanger leurs impressions. Non seulement elle ne les reconnaît pas ; mais ils n’existent pas pour elle.

Elle reçoit donc des impressions du dehors ; ces impressions arrivent assez haut dans son cerveau pour lui permettre de se vêtir adroitement, d’écrire correctement, de marcher sans trébucher, sans heurter même les personnes qu’elle ne voit pas, mais ces impressions n’arrivent pas jusqu’à sa conscience, jusqu’à sa volonté. Et alors elle parle inconsciemment et involontairement. Au réveil, elle aura totalement oublié toute cette scène que jamais ses centres psychiques supérieurs n’auraient autorisée, s’ils avaient été avertis.

En d’autres termes, les centres psychiques supérieurs du somnambule continuent à dormir, sont annihilés, n’exercent aucune de leurs fonctions habituelles de direction et de contrôle ; et ses centres psychiques inférieurs, émancipés de ce contrôle volontaire et conscient, livrés à leur activité propre qui est automatique et inconsciente, font des actes dans lesquels il y a de la pensée comme à l’état de veille, mais dans lesquels il n’y a ni prudence ni haute raison et qui, à cause de cela, paraissent déraisonnables et fous.

Dans cette simple et admirable scène de Macbeth nous trouvons nettement indiqués les caractères du psychisme inférieur, (le subliminal[1] de Myers, la région qui reste au-dessous du seuil de la conscience), caractères qui prouvent son existence et le différencient du psychisme supérieur. Ces caractères sont : l’automatisme et l’inconscience.

Le somnambule est le plus souvent un malade. Mais le sommeil naturel de l’homme bien portant, avec ses rêves, permet de voir que cette activité psychique inférieure n’appartient pas exclusivement à l’état pathologique, mais est une fonction de la vie normale.

Dans le sommeil naturel, les centres psychiques supérieurs dorment, se reposent, n’exercent pas leur contrôle et leur direc-

  1. J’ai emprunté beaucoup de documens aux ouvrages de Myers, sans être tenté de le suivre dans ses applications du « subliminal » à la télépathie, à la communication avec les morts et en général à l’occultisme.