Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/274

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dernier ressemblait beaucoup à Catilina, dont il était l’ami, et dont il fut plus tard le complice. Il passait pour un orateur, parce qu’il avait une voix forte et stridente, mais c’était surtout un homme d’action, qui ne reculait pas devant un mauvais coup. Sylla, neveu du dictateur, possédait une grande fortune, qu’il avait mise à la disposition de son collègue, pour acheter les voix des électeurs ; mais le marché avait été si scandaleux qu’à peine l’élection faite elle avait été déférée aux tribunaux et cassée. Les deux consuls révoqués furent remplacés par ceux mêmes qui les avaient traduits en justice, Aurelius Cotta et Manlius Torquatus.

C’est dans l’intervalle, si l’on en croit Salluste, et pendant la vacance du consulat, que Catilina, qui venait de débarquer, posa sa candidature. Il pensait sans doute que cette situation troublée pourrait lui donner plus de chances. Malheureusement pour lui, les députés de l’Afrique avaient fait diligence, et, quand il se présenta pour faire sa déclaration, la plainte était déjà déposée. Le consul en exercice, L. Volcatius Tullus, un peu embarrassé, réunit un conseil de quelques sénateurs importans, pour savoir ce qu’on devait faire. Il fut décidé qu’il était impossible de recevoir la déclaration de Catilina tant que le procès qui lui était intenté ne serait pas jugé[1]. C’était une déception cruelle pour lui, d’autant plus que les procès de ce genre pouvaient durer fort longtemps. Il se trouvait donc indéfiniment ajourné. La longue attente à laquelle il s’était résigné en parcourant successivement toutes les magistratures intermédiaires devait l’avoir déjà fort irrité ; ce nouveau retard lui fit perdre patience. Du moment qu’il ne pouvait pas arriver par les voies régulières, il n’hésita plus à recourir aux moyens violens. Sa situation ressemblait assez à celle d’Autronius : tandis qu’on empêchait l’un de solliciter le consulat qu’il poursuivait péniblement depuis dix ans, on l’ôtait à l’autre quand il croyait le tenir. Ils devaient naturellement s’entendre tous les deux pour mettre la main sur ce qu’on ne voulait pas leur laisser prendre. Il leur était facile de trouver des associés dans cette jeunesse besogneuse et débauchée qui remplissait Rome. Parmi ceux qu’on recruta, il y en avait un surtout qui portait le plus beau nom peut-être de l’aristocratie romaine, Cn. Calpurnius

  1. Il semble qu’à cette raison on en ait ajouté une autre. Salluste dit qu’on répondit à Catilina qu’il avait déposé trop tard sa déclaration de candidature.