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ces lames de vitrail paraissent parfaitement transparentes comme si l’or avait pu se dissoudre dans le verre en fusion. Examinées au microscope ordinaire, leur homogénéité peut encore sembler parfaite. C’est qu’en effet, les particules d’or dispersées dans la masse sont si ténues qu’elles restent au-dessous de la limite de visibilité. Dans certaines conditions favorables leur diamètre ne dépasse point 5 millionièmes de millimètre. Examinées avec le dispositif hypermicrosco-pique, ces lames apparaissent comme un champ parsemé d’une infinité de points brillans : leur aspect est celui d’un ciel étoile : chaque étoile, chaque point brillant est une particule d’or ultramicroscopique.

MM. Cotton et Mouton ont examiné une autre préparation. Leur attention s’est portée sur les plaques de gélatino-bromure qui sont employées dans la photographie. Celles qui sont destinées à la photographie Lippmann sont les plus pures. Et cependant le bromure d’argent y est réellement en grains ; mais ceux-ci sont invisibles par les moyens ordinaires. La méthode hypermicroscopique révèle seule l’existence de ces particules dont on ne soupçonnait pas l’existence.

Les suspensions de particules ultra-microscopiques dans un liquide véritable ne sont pas moins intéressantes que les suspensions solides. L’un des meilleurs exemples est fourni par la sépia, par l’encre de Chine véritable. L’encre de Chine ne se dissout pas dans l’eau ; elle s’y délaye. Si l’on fait ce délayage en employant une petite quantité d’encre de Chine pour une grande quantité d’eau, on a une liqueur louche., Cette liqueur contient des granulations de deux espèces, les unes plus volumineuses, visibles au microscope et qui, si on laisse le vase au repos, finiront par se précipiter sur le fond ; les autres plus ténues, réellement ultra-microscopiques, qui ne finissent jamais de tomber.

Le dispositif hypermicroscopique permet de les apercevoir : elles forment un champ étoile, comme les particules d’or du vitrail dont nous parlions tout à l’heure, mais avec cette différence, qu’au lieu d’être immobiles dans le champ, elles sont animées de mouvemens très vifs ; c’est une danse sur place, une sorte de trépidation qui jamais ne s’arrête. Les micrographes connaissent bien ce phénomène d’agitation qui se produit déjà pour des particules plus grosses, discernables au microscope. C’est le mouvement brownien, dont le botaniste anglais Brown, en 1827, fit l’objet de ses recherches. Ces oscillations individuelles ne se montrent que pour les particules qui ont moins de 4 microns de diamètre : elles sont d’autant plus amples que les