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25 000 hommes. A Liegnitz, en Silésie, le corps des princes Baïdar et Kaïdou était d’environ 40 000 hommes et l’armée du centre, qui conquit toute la Hongrie et défit si rudement le roi Bêla comptait de 60 000 à 80 000 hommes ; les Madjars étaient près de cent mille ; mais les Mongols avaient à leur tête le soldat infaillible, le capitaine qui, sans doute, détient, dans l’histoire, le prodigieux « record » de la victoire, Souboutaï.

Ces généraux qui, sous les auspices du Tchinghiz Khan, firent la conquête du monde depuis le Tonkin et la Corée jusqu’au Danube, nos livres d’histoire ignorent jusqu’à leurs noms. Qui connaît Moukhouli, qui fut lieutenant de l’empereur en Chine ? Qui connaît Djébé, type accompli du général d’avant-garde, qui joignit à la fougue d’un Murat la sagesse d’un Davout ? Qui connaît même l’infaillible Souboutaï qui fit trembler l’Europe et tint dans sa main le sort de la chrétienté ? De celui-là, au moins, on nous permettra de donner brièvement les « états de service. » De pur-sang mongol, né au bord de la Toula, Souboutaï, dès l’enfance, se distingua parmi les compagnons qui restèrent fidèles à Témoudjine pendant les années difficiles de sa jeunesse. A dix-sept ans, il est général de division ; à vingt-trois, il commande en chef sur l’Irtyche, poursuit Djamouka, l’implacable adversaire de son maître, le presse, le bat, le tue. Pendant l’invasion de la Chine, avec Djébé, son émule, il force la Grande Muraille et mène l’avant-garde avec tant de célérité et de vigueur qu’à eux deux ils décident du sort de la campagne. En 1219, il est en Corée, sur les bords du Yalou ; il en revient à marches forcées pour combattre sur le Syr-Daria ; avec Djébé toujours, il accomplit, autour de la Caspienne, le tour de force dont nous avons parlé ; il revient par les steppes du Nord, après une campagne si rude que Djébé n’y survécut pas. En 1225, l’Inflexible l’appelle en Chine où il remplace Moukhouli qui venait de mourir ; il achève la soumission de l’empire du Nord. En 1241, il a près de soixante ans ; son génie mûri par quarante ans de victoires est dans tout son éclat ; le Khan Ogodaï l’envoie en Occident commander la grande armée qui doit s’enfoncer jusqu’au Danube et soumettre les Hongrois ; il conquiert d’abord la Russie, puis il combine cette étonnante campagne dans laquelle il supprime d’un coup ses adversaires. « Les impeccables manœuvriers de Souboutaï avaient marché le plan du grand capitaine aussi exactement, sur le terrain, par montagnes et vallées, fleuves et rivières, qu’il l’aurait