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Amedend ou kendend ou soukhtend ou kouchtend ou bourdend ou reftend.
Ils vinrent et saccagèrent et brûlèrent et tuèrent et chargèrent et s’évanouirent.


Comme la Scythie pour le Romain ou la Parthie pour l’Iranien, la terre des Turcs est, pour le Chinois, le pays de l’épouvante, d’où vient la tempête, le terrible bourane, qui affole les chevaux, et l’invasion foudroyante, dans un tourbillon de poussière jaune, des escadrons turcs et mongols. Tel était l’effroi qu’ils inspiraient qu’au troisième siècle avant notre ère, les Empereurs d’Or n’imaginèrent rien de mieux, pour les contenir, que d’enfermer la Chine dans la prodigieuse ceinture de la Grande Muraille. Mais montagnes ni remparts n’arrêtent le Turc ; dès qu’il se sent assez fort, dès que la surveillance se relâche aux frontières, il se rue au butin, à la conquête. Toute l’histoire de l’Asie Centrale est la constante répétition d’une même série de faits : les gens des Marches, Mongols, Mandchous, Turcs, Arabes, plus pauvres et plus hardis que les laboureurs leurs voisins, se jettent sur leurs terres, s’y installent, y fondent des empires ; mais, après une ou deux générations, les plus civilisés l’emportent, les vaincus assimilent les vainqueurs et poursuivent leur propre histoire, entraînant avec eux les petits-fils des conquérans. Ces guerriers superbes, ces rudes coureurs d’aventures, n’ont pas été des créateurs de civilisation ; chaque fois qu’ils ont imposé une dynastie de leur sang à la Chine ou à la Perse, elle s’est tout de suite « chinoisée » ou « iranisée. »

Se sentent-ils trop faibles pour tenter un coup de force, les loups se font bergers ; ils sollicitent humblement d’entrer sur la terre promise, ils s’y insinuent, par petites troupes de soldats mercenaires, ils s’y emploient avec zèle à défendre, contre de plus faméliques, le festin dont ils sont admis à savourer les reliefs. « Le Barbare combat pour nous, pour nous il sème ! » s’écriait dans sa joie le Gallo-Romain du IVe siècle ; au VIe ou au VIIe, l’homme de l’Iran et du Cathay avait à l’égard du Turc ou du Mongol la même illusoire sécurité. Mercenaires ou conquérans, la vie des « Barbares » de l’Asie Centrale a été intimement mêlée à celle de la Chine et à celle de la Perse. Caravaniers du désert, ils ont convoyé sur la « route de la soie » non seulement les marchandises, mais aussi les religions, l’alphabet, les idées ; grâce à eux, au XIIe et au XIIIe siècle, la