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ESCALES AU JAPON
(1902)

DEUXIÈME PARTIE[1]

16 janvier. — Aujourd’hui, une visite dont je m’amusais d’avance, ma première à Mlle Pluie-d’Avril, dans son domicile particulier.

Et je l’ai trouvé tel que je l’imaginais, ce logis de petite cigale sans lendemain, de petite créature qui n’existe que par la grâce éphémère et le chatoiement des atours, à l’égal de quelque papillon éclos pour charmer nos yeux. C’est dans une vieille rue qui monte, — non vers les montagnes des temples et des tombeaux, mais vers la « Montagne ronde, » sorte de colline détachée en pleine ville et ne supportant que des maisons de thé ou des maisons de plaisir. Là, au premier étage d’une construction à la mode ancienne, toute de bois de cèdre et de papier, le nid de la petite danseuse s’avance en balcon, au-dessus des passans rares et discrets. On se déchausse, il va sans dire, dès le bas de l’escalier, garni de nattes blanches, et tout est minutieusement propre dans la maisonnette sonore, dont les bois, desséchés depuis cent ans, vibrent comme la caisse d’une guitare.

Mlle Pluie-d’Avril habite avec M. Swong, un énorme chat, matou bien fourré, d’imposante allure, qui porte une collerette tuyautée, et Mme Pigeon, une vieille, vieille femme à cheveux blancs qu’elle appelle grand’mère, — quelque « Madame Prune »

  1. Voyez la Revue du 13 décembre.