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En ce qui concerne les édifices du culte, M. Rouvier a reculé devant, la seule solution raisonnable : elle consisterait à les abandonner aux associations religieuses, à l’exception de ceux qui sont des monumens de l’art national. Ces édifices ne peuvent servir qu’au culte ; il serait ridicule de vouloir les détourner de la seule destination à laquelle ils soient appropriés, et en dehors de laquelle ils perdraient même toute valeur. Une autre considération doit entrer en ligne de compte. Nous ne contestons nullement la légitimité des actes révolutionnaires, surtout lorsque les conséquences en ont été consacrées par une prescription plus que séculaire. Cependant l’idée qu’en enlevant ses biens au clergé on lui devait une indemnité est contemporaine de la Révolution qui l’a appliquée. Nous la voyons dans les lois de l’époque ; nous la retrouvons dans le Concordat. Même en laissant de côté la question de principe, il aurait été généreux et habile d’attribuer les édifices religieux aux associations régulièrement formées pour l’exercice du culte. Au lieu de cela, le gouvernement propose, après avoir laissé aux associations la jouissance de ces édifices pendant deux ans, de les leur louer pour des périodes renouvelables de dix ans. La première location serait obligatoire ; les autres seraient facultatives. Nous ne voyons pas dans le projet de loi que les communes pourront, si elles le préfèrent, vendre ces édifices une fois pour toutes. Pourquoi ? Si c’est pour se réserver le moyen de taquiner, de molester, d’intimider les associations religieuses par la menace de rompre le bail passé avec elles, ou de ne pas le renouveler, on nous permettra de dire que ce n’est plus là le régime de la séparation. Mais le moment n’est pas encore venu d’étudier le projet de M. Rouvier dans ses détails : d’ailleurs nous devons dire un mot de l’interpellation Morlot.

Elle a été d’une nullité rare, et n’a eu d’autre objet, que de ramasser les morceaux du Bloc et de les recoller tant bien que mal. Si M. Rouvier s’est prêté à cette comédie, il n’a pas daigné y prendre part : il a laissé ce rôle à M. Bienvenu-Martin, le nouveau ministre de l’Instruction publique et des Cultes. On avait beaucoup parlé de cette interpellation avant qu’elle eût lieu, et les socialistes affectaient d’y attacher une si grande importance que les plus sceptiques avaient fini par s’en préoccuper. Ils avaient bien tort. Sans doute, si on prenait au pied de la lettre toutes les déclarations de M. Bienvenu-Martin et les termes de l’ordre du jour finalement voté, il faudrait faire entendre des observations et des protestations très énergiques ; mais toute cette mise en scène sent si fort la comédie qu’il est difficile de la