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Dijon, dont la situation laisse plus à désirer que celle des dix autres qui en sont complètement dépourvus. On a créé là, à force de chinoiseries, un état de choses paradoxal, et même un peu ridicule. Mais qui donc l’a voulu, si ce n’est le gouvernement ? Qu’on ait commis des fautes à Rome, nous le voulons bien. On l’a fait, toutefois, sans mauvaise intention, sans hostilité préconçue, sans volonté de rompre. Il en a été tout autrement à Paris. Là on a voulu la rupture, on l’a recherchée, on l’a provoquée ; et tout l’art de M. Combes, si on peut se servir de ce mot pour qualifier une politique faite de grosse malice et de brutalité, a été de discréditer le Concordat avant de le dénoncer, et pour s’excuser de le faire. Il est convenu aujourd’hui, dans la presse avancée, que le Concordat est la cause de tous nos embarras : ils viennent, au contraire, de ce que le Concordat n’est pas appliqué. Alors, en effet, au lieu d’être un instrument de conciliation entre les deux pouvoirs, il n’est plus qu’une entrave à la liberté de l’un et de l’autre. Le jour de sa mort, on poussera peut-être un soupir de soulagement à Rome aussi bien qu’à Paris. Le Pape procédera tout de suite, dans la plénitude de son indépendance, à la nomination de tous les évêques dont nous manquons, ou dont nous manquerons à ce moment ; il n’aura plus à s’entendre avec un ministre et avec un directeur des Cultes pour l’administration de ce qu’il appelle son troupeau ; il en sera le maître absolu. Ce sera le triomphe définitif de l’ultramontanisme sur le gallicanisme de nos pères. Toutes les garanties que l’État s’était attribuées ou avait retenues disparaîtront d’un seul coup. Oui, certes, ce serait là un beau jour pour Rome, s’il ne devait pas avoir de lendemain ; mais il en aura un, et Dieu seul sait quel il sera. L’organisation matérielle de l’Église de France sera difficile. Sa vie sera peut-être mal assurée. Mais la question qui nous préoccupe le plus est de savoir comment se résoudront, dans la suite des temps, les conflits inévitables entre l’Église et l’État. Oui, inévitables ! Croire qu’il n’y en aura plus après la séparation, que celle-ci sera réelle et que, désormais, l’Église et l’État pourront vivre côte à côte sans se connaître et sans se toucher, est une conception tellement chimérique qu’elle en est puérile. Entre deux pouvoirs qui aspirent l’un et l’autre à la domination sur les esprits et qui sont l’un et l’autre armés pour l’exercer, la paix ne peut résulter que d’un traité. On renonce au traité, on le déchire : qu’en résultera-t-il ? Nous ne nous chargeons pas de l’indiquer, mais nous disons sans crainte de nous tromper qu’il est impossible de jeter de gaîté de cœur dans une pire aventure un pays qui n’y est pas préparé. Et, si