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nécessaire de tenir si uniformément dans les teintes crises le rôle de cette femme qui souffre. Mlle Brandès, tour à tour charmante et émouvante, est la perfection même dans le rôle de la Massière. M. Maury est excellent de jeunesse, de vivacité, de tenue, dans le rôle de Jacques Marèze. Et M. Boisselot n’a qu’un bout de rôle, celui d’un vieux roublard de membre de l’Institut : il y est délicieux.


Des trois actes dont se compose la comédie de M. Henry Bernstein, le Bercail, le premier était un acte d’exposition assez bien venu. Une jeune femme, Éveline, nous est donnée pour le type, suffisamment renouvelé, de la femme incomprise. Férue de littérature, dupe des théories qui courent les romans de ces dernières années, et décidée à faire valoir son droit au bonheur, elle quitte son mari, un brave homme de bourgeois, pour suivre l’écrivain Jacques Foucher. Le trio était présenté avec assez de relief, et l’auteur avait trouvé des traits justes pour nous peindre l’honnêteté paisible du mari, le détraquement de la femme, l’égoïsme forcené de l’amant. A partir du second acte, la pièce va à l’aventure. Ce second acte est destiné à nous montrer quel enfer est devenue la vie pour Éveline, depuis qu’elle est la maîtresse de Jacques Foucher. Celui-ci est toujours absent, attendu qu’il tient ses grandes assises sur le « boulevard, » et qu’il ne rentre chez lui que pour y recevoir des personnes de la plus mauvaise compagnie. Cet intérieur d’artiste est peint d’après l’idée qu’on pouvait se faire de la vie d’artiste, au fond des provinces les plus reculées, dans le temps des diligences : j’entends dire que les romanciers à succès, au XXe siècle, ont tout à fait rompu avec ces habitudes de vie échevelée. Au troisième acte, nous voyons qu’Éveline, utilisant ses talens de diseuse et de comédienne de salon, s’est engagée dans une troupe qui parcourt la province : elle est en représentations à Lyon, qui se trouve être précisément la ville où son mari s’est retiré avec leur enfant. Un soir de Noël, elle pénètre dans la maison, s’attarde à apporter des bonbons à ce fils, pour qui elle s’est prise d’une soudaine tendresse, se rencontre avec son mari ; et, comme celui-ci n’a pas cessé de l’aimer, il la reprend.

Cette comédie, trop peu originale, a pour principal intérêt de mettre à la scène une situation qui nous a été présentée, presque simultanément, dans trois de nos principaux théâtres : celle de la femme qui déserte le foyer conjugal. Car il faut noter ce trait de nos mœurs : ce n’est plus à nous autres hommes que pèse la monotonie de la vie conjugale. Nous sommes devenus des maris de tout repos ;