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REVUE DRAMATIQUE

RENAISSANCE : La Massière, pièce en quatre actes, par M. Jules Lemaître. — GYMNASE : Le Bercail, pièce en trois actes, par M. Henri Bernstein. — COMEDIE-FRANÇAISE : La Conversion d’Alceste, à-propos en un acte en vers, par M. Courteline. — THEATRE SARAH-BERNHARDT : Reprise d’Angelo, drame en cinq actes en prose de Victor Hugo.


C’est une joie pour tous les lettrés de renouer connaissance avec M. Jules Lemaître auteur dramatique. On se fût difficilement résigné à admettre que la brillante série, inaugurée jadis par Révoltée, le Député Leveau, Mariage blanc, fût close à jamais. Ces comédies, chères aux délicats, sont parmi les plus originales qu’il y ait dans le théâtre contemporain : elles y ont mis une note qui, sans elles, y manquerait presque complètement. Ce sont les pièces d’un moraliste très avisé, analyste des sentimens plus encore que peintre des mœurs, et qui, à l’exemple des classiques dont il a été nourri, met la scène dans le cœur de ses personnages. Quand M. Jules Lemaître, à l’instar des professionnels, s’applique à peindre l’aspect trépidant de notre vie moderne et à noter les dernières manifestations du parisianisme, il n’y réussit pas sensiblement plus mal que d’autres. Mais quand il cherche tout uniment à nous dire ce qui se passe dans la conscience de braves gens d’aujourd’hui, honnêtes et faibles, il est incomparable. Les cas de conscience un peu subtils, les situations morales un peu délicates l’attirent, et il met à les traiter toute la souplesse d’un art aux apparences nonchalantes. Il arrive que le mouvement de ces comédies ne soit pas très vif, que les moyens employés y soient d’une simplicité excessive et que les entrées et les sorties des personnages ne soient pas ménagées avec une rouerie suffisante ; mais on ne fait guère attention à ces défaillances de l’homme de métier, tant on est