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par un halte-là, qui lui sera signifié par le gouvernement ou par un mouvement populaire. » A la même date, les lettres du coadjuteur Geissel déplorent les formes nouvelles de l’offensive protestante, en particulier la publication d’un catéchisme de controverse élaboré par le synode de Duisburg, et les entraves imposées par la bureaucratie aux apologistes catholiques qui voulaient y publier des ripostes. « Le rétablissement de la paix sur la base de l’égalité des droits entre les deux confessions, écrit Geissel, semble avoir irrité les protestans rigides. » L’Association de Gustave-Adolphe se fondait, pour soutenir en terre catholique les petites chrétientés protestantes, et le roi de Prusse en acceptait le protectorat. En vain son ministre Eichhorn s’efforçait-il de remontrer aux évêques que la prépondérance royale écarterait de ce nouveau groupement les influences rationalistes : les susceptibilités catholiques demeuraient en éveil ; Goerres bondissait ; il protestait comme historien, il protestait comme patriote, contre le parrainage du héros suédois ; et l’on eût dit qu’à coups de plume la guerre de Trente ans allait recommencer. La presse prussienne et la presse bavaroise s’excitaient l’une contre l’autre ; l’historien Boehmer se plaignait que le protestantisme du Nord voulût monopoliser l’idée germanique et qu’au congrès des germanistes on eût invité fort peu d’Allemands du Sud, parce que catholiques ; et dans les Feuilles historico-politiques de Munich, Goerres, Phillips, Jarcke, tous les disgraciés de la Prusse, s’escrimaient contre la Réforme, confession nationale de la Prusse.

Ils accroissaient l’alarme protestante, par leur conviction, nullement dissimulée, que la Réforme était à son déclin. La Vie de Jésus, de Strauss, l’insurrection des « amis de la lumière » contre les livres symboliques, les persécutions du précédent roi de Prusse contre les héritiers authentiques et dévots de la pensée de Luther, n’étaient-ce point autant d’indices que la Réforme désavouait sa filiation et perdait ses titres d’identité ? Adieu Jésus, de par la volonté de Strauss ; adieu Luther, de par la volonté du roi de Prusse ! Moy alléguait l’exemple des puseyistes anglais pour inviter les catholiques allemands à réviser à leur tour le procès historique de la Réforme ; et sans ménagemens, Doellinger s’en chargeait. Son érudition, honorée de toute l’Allemagne, faisait des battues à travers le XVIe siècle pour convoquer les témoins, de gré ou de force, à déposer sur la Réforme :