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religiosité de certaines familles socialistes, chaque dimanche matin. On se groupe dans une salle, on entend une conférence ; avant et après, l’on chante ; et le refrain de ce pieux cantique répète que « l’humanité doit jouir. » Entre la fronde contre la relique de Trêves et la déification de la jouissance humaine, vaste est le chemin parcouru ; et Jean Ronge ressuscité aurait peut-être quelque surprise en constatant qu’il existe une Eglise où l’on se réunit pour narguer Dieu, et que cette Eglise est son œuvre.


VIII

« Là où maintenant deux hommes se rencontrent, ils devisent de sujets religieux. Qui est libraire, sait que toute la littérature est devenue religieuse et préoccupée d’histoire ecclésiastique. » Ainsi parlait, en 1845, à la Chambre badoise, le radical Bassermann ; et Bassermann avait raison. L’irréligion de Ronge mettait à l’ordre du jour la religion ; et dans les laborieuses et fécondes années dont nous essayons d’esquisser les caractères, un dernier trait nous reste à relever : c’est l’accentuation des luttes confessionnelles.

Les fêtes de la Wartburg, en 1817, avaient, çà et là, provoqué des ripostes ; mais elles avaient pris l’aspect, surtout, d’une manifestation politique, et la paix des confessions n’en avait point été troublée. Des polémiques avaient surgi, en 1826, à l’instigation du roi de Prusse lui-même, lorsque sa sœur et son beau-frère, la princesse et le prince d’Anhalt-Koethen, étaient rentrés de Paris catholiques ; mais l’incident s’oublia vite. Cependant le libraire protestant Perthes, chez qui l’illustre converti Stolberg avait édité son Histoire de la religion de Jésus, constatait avec tristesse, en 1829, que le succès du livre allait diminuant, aussi bien parmi les pro tes tans, qui lisaient moins volontiers cette œuvre d’un transfuge, que parmi les catholiques qui trouvaient que, de-çà de-là, elle sentait encore le protestantisme, et Perthes s’attristait de voir s’effacer la silhouette un peu vague de cette « Église générale chrétienne » dont son âme religieuse se fût volontiers faite l’architecte. « C’en est fait, écrivait-il à Windischmann, du temps où protestans croyans et catholiques croyans se sentaient unis à cause de la foi ; les paroles de réconciliation sont méprisées. » Puis, quand même, Perthes se reprenait à l’espoir et se demandait si le dôme de