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de brochures succédèrent à cette lettre : Ronge les adressait « à ses concitoyens, » au petit clergé, aux instituteurs catholiques, aux « Romains en Allemagne. » Il invitait les prêtres à se montrer des hommes, des éducateurs populaires allemands ; il sommait les instituteurs de s’émanciper de Rome, sous peine de passer pour des âmes de valets ; et quant aux « Romains, » il leur demandait compte de l’outrage qu’ils faisaient à la pudeur de la jeune fille allemande en la forçant de prendre à l’avance des engagemens au sujet de l’éducation de ses enfans. Il n’était pas jusqu’aux autres peuples que Ronge n’interpellât : « Les nations, disait-il, et avant tout la nation allemande, ont le devoir de convoquer une libre assemblée ecclésiastique nationale, qui anéantira la prêtrise et le jésuitisme, réconciliera les classes sociales et les peuples. Debout, hommes d’Allemagne, hommes de France, hommes de Grande-Bretagne ! »

À ce moment même, à Schneidemühl en Posnanie, un prêtre concubinaire, Czerski, groupait autour de lui quelques fidèles qui se détachaient de Rome. L’esprit de dissidence avait déjà, là-bas, une ébauche d’organisation. Ronge et Czerski prirent contact, et l’Eglise « catholique-allemande » naquit. Elle survenait, comme un dissolvant du catholicisme, à l’instant précis où les allures nouvelles de la foi romaine en Allemagne inquiétaient le protestantisme : c’en était assez pour que certaines notabilités de la Réforme, Bretschneider, Röhr, Paulus, honorassent de leur sympathie cette Eglise nouveau-née. C’était l’époque, aussi, où le radicalisme suisse achevait de persécuter les couvens d’Argovie : la guerre du Sonderbund était proche. Le radicalisme allemand pensait en matière religieuse comme le radicalisme suisse : ses faveurs étaient acquises à Ronge, et l’un des premiers livres de prières et de chants dont se servit la nouvelle Eglise fut l’œuvre du caissier Robert Blum, qui deviendra, peu d’années après, l’un des chefs radicaux au Parlement de Francfort, et qui paiera de sa vie sa participation aux émeutes de Vienne.

Ronge fit à travers l’Allemagne une série de voyages triomphaux : il allait de ville en ville, recrutant comme auxiliaires quelques prêtres ou quelques pasteurs, et fondant des communautés qui se gouvernaient ensuite à leur gré. Le remous de foule dont partout disposait le radicalisme se produisait, comme par consigne, lorsque se montrait Ronge. Les postillons