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son nom, qu’elle participât aux prérogatives de l’Église catholique romaine et qu’elle pût même prétendre, en quelque mesure, aux biens de cette Église. Le gouvernement de Bade repoussait leurs exigences ; il invoquait les égards dus à la confession catholique, à laquelle appartenait, en Bade, la majorité des sujets. Ce fut alors l’honneur d’un professeur de l’Université de Fribourg, Buss, de sentir la fragilité de cette politique d’égards, de comprendre que les catholiques ne seraient sérieusement défendus que s’ils se défendaient eux-mêmes, et d’éveiller tout à la fois, dans l’âme de ces « sujets, » la conscience civique et la conscience religieuse.

Avec François-Joseph Buss, l’Allemagne catholique eut son premier tribun. Sa jeunesse s’était passée loin de l’Église : les idées avancées, avec les mots un peu gros dont elles s’affublent, séduisaient la rudesse de son tempérament ; elles flattaient en lui le besoin d’action, et cette sorte d’exubérance de forces, qui aspirait à un épanouissement militant. On l’avait connu très incroyant, à l’époque où l’Église badoise, timide, presque honteuse d’elle-même, abdiquait toute personnalité devant l’État. Et puis, en lui, une évolution s’était faite : il avait senti dans cette Église l’institution à laquelle les deux tiers de Bade étaient historiquement fidèles : homme du peuple, avocat du peuple, il devint l’avocat de l’Église. Le premier discours sur la question sociale qui ait retenti à une tribune allemande fut prononcé par Buss, en 1837. Entre ce discours et son activité religieuse, il y a une filiation : droit au pain, ou droit à la croyance, ce sont toujours les droits du peuple que Buss défend. Les revendications de la secte « catholique-allemande, » en 1845, lui parurent attentatoires au peuple croyant : alors il déchaîna, dans tout le grand-duché, un vaste pétitionneraient catholique ; et comme, par contrecoup, l’action radicale devint plus acerbe, le ministère badois, débordé par le flot grossissant des agitations religieuses, renvoya le Parlement. Mal équipés pour les élections, n’ayant d’autre soutien que le journal de Buss, encore insuffisamment répandu, les catholiques furent battus. Dans la Chambre de 1846, ils n’eurent qu’un représentant : c’était Buss. Mais la bataille s’était livrée sur le terrain religieux, et cela suffisait à Buss : que l’Etat badois, qui régnait, naguère, sur le mutisme des âmes, vît les luttes électorales se transformer en une bagarre de consciences, c’était là une nouveauté, et Buss, en cette heure de défaite, la