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le professeur de philosophie de l’Université de Berlin, lui écrira ces lignes significatives : « Vos discours et vos écrits, qui depuis un demi-siècle visent toujours au même but, ont ouvert une brèche, que le classicisme, la bureaucratie, le philistinisme de la culture ne parviendront pas à fermer : l’art, chose du peuple, sortant de la vie populaire et travaillant pour le peuple, voilà la vivante leçon que vos maîtres, les grands maîtres du moyen âge, répètent sans cesse, par leurs œuvres et par vos écrits. » M. Paulsen a raison : l’esthétique religieuse de Reichensperger, dès 1840, glorifiait les masses profondes du peuple.

On prévoit que, de cette esthétique, une politique pourra sortir, qui reconnaîtra des droits aux masses profondes, aussi bien dans le domaine de la vie publique que dans le domaine de l’art. « Toute ma carrière, même ma carrière de député, a notre dôme comme point d’attache, » écrira plus tard Auguste Reichensperger. Il incarnait, en effet, une sorte de transition entre la période du catholicisme romantique et la période du catholicisme parlementaire, entre l’époque où l’on rêvait du règne de Dieu par la beauté, et l’époque où l’on allait s’attacher, activement, à réaliser le règne de Dieu par la liberté.


III

C’est avec l’avènement de Frédéric-Guillaume IV que commence pour l’Église de Prusse la conquête de ses libertés. Dans les premiers mois de 1841, le seul pays germanique où le clergé pût communiquer sans entraves avec le Saint-Siège et, sans entraves, publier les actes de Rome, fut le royaume de Prusse : Frédéric-Guillaume IV, reconnaissant ainsi, par un don de joyeux avènement, les légitimes prérogatives de la société religieuse, donnait un exemple décisif, et qui devait être suivi. « Le roi protestant, écrivait le célèbre éditeur Perthes, fait ce qu’aucun souverain catholique n’a osé faire jusqu’ici. »

Les évêques, redevenus consciens de leur devoir en même temps que de leur dignité, allaient aussitôt profiter des permissions royales. On se rappelle l’attitude de leurs prédécesseurs, leur désir d’échapper à la vigilance papale, leur ennui de ne pouvoir se faire oublier du Saint-Siège, et leur tactique, enfin, pour amuser et abuser Rome, puisqu’elle ne voulait point les laisser en paix. Voici que Geissel, le coadjuteur de Cologne,