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firent les catholiques au livre de Ranke sur la papauté aux XVIe et XVIIe siècles, son Histoire de l’Allemagne au temps de la Réforme, terminée en 1843, prélude avec éclat aux identifications futures entre germanisme et protestantisme ; et les premiers écrits de Sybel, qui sont de la même époque, et parfois la résonance d’un programme de lutte, — de la lutte qui s’engagera, plus tard, entre l’ « ultramontanisme » et l’idée prussienne. La littérature, sous quelque forme qu’on l’envisage, devient une mêlée ; et ce n’est pas seulement l’apparition d’idées nouvelles, c’est aussi le caractère nouveau de la production littéraire, qui témoigne que la période du romantisme est close et que, pour agir sur l’Allemagne, le catholicisme doit compter avec des tendances inédites.


II

La fortune, cependant, réservait au romantisme un dernier sourire : au moment où déclinait l’influence de cette école, deux de ses pupilles étaient installés sur les deux premiers trônes de l’Allemagne. Louis Ier de Bavière nous est déjà connu, et nous avons vu quel appui donnait au catholicisme, en même temps qu’à l’art allemand, ce prince dont Chateaubriand disait : « En portant une couronne, il semble savoir ce qu’il a sur la tête, et comprendre qu’on ne cloue pas le temps au passé. » L’autre tête romantique, sur laquelle une couronne s’était posée, était celle de Frédéric-Guillaume IV, le nouveau roi de Prusse.

On a prétendu, parfois, qu’en secret il était catholique : les initiatives qu’il déploya, d’accord avec son ami Bunsen, pour répandre et glorifier le protestantisme, militent contre un tel soupçon. Mais ce qui est vrai, c’est que Bossuet, Fénelon, Sailer, comptaient parmi ses lectures favorites, et que son antipathie à l’endroit de toute innovation religieuse l’inclinait à quelque estime pour cet atavisme dogmatique dont il trouvait dans l’Eglise romaine une immuable expression. Au fond, les sentimens de Frédéric-Guillaume IV à l’égard du catholicisme, tout comme sa prédilection pour un rêve de monarchie féodale, sont d’un romantique. C’est vraiment son romantisme qui trouve attrait aux poésies catholiques de Joseph d’Eichendorff, et qui, triomphant des traditions protestantes de la maison de Hohenzollern, convoque à Berlin, pour des œuvres de peinture