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préoccupation de polémique ; Veit et le jeune Steinle se retirent sous leur tente ; et Steinle à Francfort, Führich à Vienne, Itenbach et les Müller dans la chapelle de l’Apollinarisberg, donnent l’exemple d’un art, non point à coup sûr plus chrétien ni même plus catholique que celui d’Overbeck, mais, si nous osons dire, plus confessionnel et plus ecclésiastique.

Passant au domaine de l’histoire, on y discerne pareil phénomène. Les études historiques, depuis un demi-siècle, offraient le spectacle de chercheurs protestans rendant hommage à l’Église romaine du moyen âge. Jean de Muller, le grand historien suisse, avait dès 1782, dans son petit volume sur les Voyages des Papes, célébré les pontifes d’antan comme interprètes de la morale et sauveurs du bon droit ; le Prussien Henri Luden, son disciple, — le même qui professait dans Iéna sur les gloires historiques de l’Allemagne au moment où nos armées occupaient cette ville, — avait pris le parti de la hiérarchie romaine contre les Césars germaniques, dans les copieux volumes de son Histoire du peuple allemand ; Raumer l’évocateur des Hohenstaufen, n’avait pas caché sa respectueuse sympathie pour la tiare ; Voigt, élève de Luden, justement réputé comme historien de l’Ordre Teutonique et comme fondateur de l’histoire provinciale de la vieille Prusse, avait commencé de se faire un nom dans la science par une monographie très enthousiaste du pape Grégoire VII ; Boehmer enfin, l’éditeur des Regestes du vieil Empire, avait de tout temps montré pour l’Église romaine une déférence et une affection dont s’inspiraient tous ses jugemens historiques ; et c’est ainsi qu’à la faveur des souffles romantiques, l’apologie des papes s’installait dans l’histoire, sur le sol même où les « centuriateurs » de Magdebourg les avaient doctement diffamés. Jean de Muller, Luden, Raumer, Voigt, et Boehmer lui-même, quelque répugnance qu’il eût à s’entendre qualifier de protestant, demeuraient d’ailleurs, à l’endroit de l’Église romaine, des hommes du dehors : ils la faisaient admirer, mais leur admiration restait debout.

Avec, Frédéric Hurter, l’admiration s’agenouille. Il était encore une autorité, et la plus haute de Joutes, dans l’Église protestante de Schaffouse, lorsqu’il publiait cette Vie d’Innocent III, dont s’enthousiasmait Montalembert ; et déjà ses négociations avec les cantons catholiques de Suisse en vue d’une lutte commune contre Los radicaux, ses confians pourparlers avec la