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I

Comment le romantisme, dans les trente premières années du siècle, avait éveillé dans les âmes allemandes le respect de la religiosité catholique et conduit certaines d’entre elles jusqu’à l’acte de foi, c’est ce que l’observation des courans artistiques et littéraires nous a précédemment permis d’entrevoir et d’expliquer. Mais ces courans ne devaient avoir qu’un temps : aux alentours de 1840, c’en était fait de l’hégémonie intellectuelle de l’école romantique.

Annette de Droste-Hulshoff, Joseph d’Eichendorff, — et plus tard le Hambourgeois Dreves, un converti, — se rattachent encore à cette lignée : mais vous cherchez en vain, dans leurs vers, trace de ces malaises inquiétans et morbides, qui jadis séduisaient et conquéraient aux littérateurs romantiques une clientèle d’âmes anxieuses et malades elles-mêmes ; il n’y a point, chez eux, de tâtonnemens de conscience, de ces tâtonnemens efficaces par lesquels leurs devanciers, qu’ils trouvassent l’Église ou bien qu’ils ne la trouvassent point, en jalonnaient vaguement le chemin ; et vous ne surprenez point ici, comme chez un Tieck ou chez un Novalis, cette série de travaux d’approche qui semblent préparer l’investissement des imaginations par le catholicisme. Leurs œuvres sont trop pleinement imprégnées de leur foi, et leur foi trop nettement dessinée dans leur âme, pour que cette seconde génération de romantiques puisse offrir à l’Église le genre de services que lui rendit la première. En lisant ces nouveaux venus, on a, tout de suite, pleine confiance ou complète défiance, suivant le point de vue religieux où l’on se place : ils ne tracent pas une avenue vers l’Église, ils stationnent dans le Saint des Saints, et, par la plume d’Eichendorff, ils reprocheront toujours au premier romantisme d’avoir mieux aimé frôler la foi que de l’étreindre.

Même évolution, en ce qui regarde les artistes. Autour des premiers tableaux des Nazaréens, les deux confessions chrétiennes semblaient s’être juré une sorte de trêve de Dieu : une ville aussi protestante que Francfort conviait le catholique Veit à venir diriger son musée. Cette trêve est désormais dénoncée : le peintre protestant Lessing, par les épisodes religieux dont fait choix son pinceau, introduit dans la peinture une