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tâtonnement, trouva. Solange ne fit donc que traverser l’institution de Mme Héreau, située au boulevard extérieur Monceau, n° 46, entre la fin de 1840 et le début de 1841. (Nous avons un bulletin du mois de janvier 1841.) Dès le printemps de 1841, elle était pensionnaire de l’institution Bascans-Lagut, rue de Chaillot, 70, où elle passa trois années pleines. Ces trois années font époque dans l’histoire de sa formation intellectuelle et morale. C’est là seulement que Solange connut un peu la vertu de l’effort, et qu’elle se « disciplina, » au moins pour un temps, et dans la mesure où son invincible nature était capable de discipline.


IV

La figure de Mme Bascans mériterait de nous arrêter un instant, si elle n’avait été étudiée dans le livre de piété quasi filiale auquel nous avons emprunté la lettre qui précède. Rien de ce qui s’y trouve dit à l’avantage de Mme Bascans et de son mari n’est exagéré. Tête, cœur et volonté, tout était éminent chez cette femme, qui accepta de George Sand des « réflexions » épistolaires, mais non pas des conseils, et qui sut parfois lui faire entendre un avis indépendant[1]. Elle eut vite vu clair dans le caractère de Solange (d’ailleurs admirablement signalé par sa mère dans mainte lettre aux époux Bascans), et elle sut si bien la prendre qu’elle s’attira la docilité d’abord, puis l’affection et l’éternelle reconnaissance de son élève. Son mari, qui professait chez elle l’histoire, la morale et la littérature, était un ancien journaliste de l’opposition, esprit énergique et rude, conscience fière, libéral impénitent. Solange ne suivait pas seulement les cours qu’il faisait à toute la classe. Elle prenait avec lui des leçons particulières ; George Sand avait voulu pour elle la combinaison des deux cultures, et ses raisons étaient excellentes :


L’éducation générale m’a paru nécessaire à ma fille, dont l’humeur sauvage et fière eût pris des habitudes excentriques. L’effet de cette éducation sur elle est donc bon sous le côté moral, mais nul, ou peu s’en faut, sous le rapport intellectuel [à cause de la paresse de Solange] ; et, comme il est bien urgent de développer simultanément les deux puissances, Solange ne peut pas se passer de bonnes leçons particulières, les plus longues et les

  1. Nous avons, dans nos papiers, des lettres d’elle qui sont parfaites de tact et de dignité.